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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés
Autoren: Sven Hassel
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avaient-ils l'intention de me faire aller comme ça ? Ce serait trop bête de sauter maintenant , après tous ces kilomètres, au bout de vingt-quatre heures de travail...
    Finalement, je pus laisser la bombe au sein des bruyères, à douze ou treize kilomètres de la ville. Son redéchargement constituant une impossibilité flagrante, on la fit exploser en compagnie de son derrick.
    Cette performance me valut trois cigarettes de plus, avec la remarque habituelle que je ne les méritais pas, mais que notre bien-aimé Führer n'était pas dépourvu de sentiments humains.
    Trois cigarettes supplémentaires : je m'estimai bien payé.  Je n en avais espéré qu'une.
    Il m'arriva ce qui pouvait arriver de pis à n'importe quel prisonnier : je tombai malade. Et peut-être, d'un autre côté, cette maladie me sauva-t-elle la vie ? Je parvins à tenir le coup pendant cinq jours. Se faire porter malade entraînait l'expédition immédiate à l'hôpital du camp, où vous deveniez sujet d'expérience jusqu'à ce que vous ne puissiez plus servir ; et vous ne pouviez plus servir que lorsque vous étiez mort à force d'avoir trop servi. Mais durant un appel, je m'effondrai sans connaissance et, quand je revins à moi, j'étais à l'hôpital.
    On ne me dit pas ce que j'avais. On ne le disait à aucun malade. Le jour où l'on me jugea suffisamment rétabli pour tenir debout, les expériences commencèrent. On me fit des tas de piqûres. On me fourra dans une pièce où régnait une chaleur d'étuve, puis dans une chambre frigorifique en prélevant un peu de mon sang à intervalles irréguliers. Un jour, on me donnait tout ce que je pouvais ingurgiter et le lendemain, on me laissait crever de faim et de soif ; ou bien on me faisait avaler des tubes de caoutchouc pour pomper en cours de digestion tout ce qu'on m'avait permis, tout ce qu'on m'avait enjoint de dévorer.
    Un état pitoyable succédait à l'autre. Finalement, ils me firent une longue et douloureuse ponction de la moelle épinière, puis m'enchaînèrent les poignets aux mancherons d'une brouette remplie de sable que l'on m'ordonna de pousser devant moi, sans une pause, dans un enclos circulaire. Tous les quarts d'heure, on prélevait un échantillon de mon sang. Cela dura toute une journée, tandis que ma tête nageait et que ma lucidité disparaissait graduellement. Il me resta de ce traitement, pendant des mois, des migraines intolérables.
    Mais j'eus tellement plus de chance que beaucoup d'autres. Ils estimèrent, un beau jour, que j'en avais assez supporté, ou que je ne pouvais plus, peut-être, leur apprendre quoi que ce soit. Ils me remvoyèrent au camp. Un SS hilare m'informa que je n'appartenais plus aux équipes d'artificiers. Les bombes que j'avais désamorcées comptaient désormais pour des prunes.
    Je retournai trimer dans la carrière.
    Puis on me réaffecta au désamorçage des bombes, et j'avais atteint un beau chiffre rond quand on me réexpédia, tout à coup, à Lengries, l'ensemble comptant, à nouveau, pour des prunes...
    Sept mois dans les puits à caillasse de Lengries. Sept mois de démence léthargique, monotone.
    Un jour, un SS vint me chercher. Un médecin m'examina. J'étais couvert de furoncles purulents. Ils furent nettoyés, aseptisés, enduits de pommade. Le médecin me demanda si je me sentais bien, « Oui, docteur, je me sens bien, je suis en bon état de santé. » Se plaindre de son état de santé était la dernière chose à faire. Tant qu'on avait un souffle de vie, on était bien portant et en bon état de santé.
    On me conduisit au SS Sturmbannführer Schendrich. Il avait des rideaux à ses fenêtres. Des rideaux propres. Des rideaux, vous vous rendez compte ? Des rideaux vert clair avec des motifs jaunes. Vert clair avec des motifs jaunes. Vert clair avec...
    — Sur quoi êtes-vous en train de bayer comme ça, bon Dieu ?
    Je fis un bond dans ma peau.
    — Sur rien, Herr Sturmbannführer. Excusez-moi, Herr Sturmbannführer, j'ai l'honneur de déclarer que je ne baye sur rien.
    Une inspiration soudaine me suggéra d'ajouter à voix basse :
    — J'ai l'honneur de déclarer que je ne fais rien de plus que bayer...
    Il me regarda, bizarrement désarçonné. Puis chassa je ne sais quelles pensées importunes et me tendit une feuille de papier.
    — Vous allez signer ici que vous avez toujours reçu la nourriture ordinaire de l'armée, que vous n'avez jamais eu à souffrir, ni de la faim, ni de la soif, et que vous n'avez aucun
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