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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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s’adresser à moi.
    « Comment va Maria
Thins ? demandai-je, m’efforçant d’être polie. Et comment va
Catharina ?
    — Aussi bien que possible,
compte tenu de ce qui s’est passé.
    — Je suis sûre qu’ils s’en
sortiront.
    — Ma maîtresse a dû vendre
des biens, mais elle s’en est bien tirée. Les enfants n’en souffriront
pas. » Comme autrefois, Tanneke ne pouvait s’empêcher de chanter les
louanges de Maria Thins à qui voulait l’entendre, quitte à être trop prodigue
de détails.
    Deux clientes étaient arrivées,
elles attendaient leur tour derrière Tanneke. Une part de moi-même aurait
préféré être seule avec Tanneke, j’en aurais profité pour lui poser des
questions, pour l’inciter à me donner d’autres détails, à m’en dire bien
davantage à propos d’autres sujets. Une autre part de moi-même, ce bon sens
auquel je me cramponnais depuis tant d’années, ne voulait rien avoir à faire
avec elle. Je ne voulais rien entendre de tout cela.
    Les deux clientes changèrent de
côté tandis que Tanneke restait là, plantée devant l’étal. Elle fronçait
toujours les sourcils, mais son visage s’était radouci. Elle jaugeait les
coupes de viande posées devant elle.
    « Aimeriez-vous acheter
quelque chose ? » demandai-je.
    Ma question la tira de sa
stupeur. « Non », marmonna t elle.
    Ils achetaient maintenant leur
viande à l’autre bout du marché. Sitôt que j’avais commencé à travailler avec
Pieter, ils avaient changé, du jour au lendemain, sans s’acquitter de leurs
dettes. Ils nous devaient encore quinze florins que Pieter ne leur avait jamais
réclamés. « C’est le prix que j’ai payé pour toi, disait-il parfois pour
me taquiner. Maintenant, je connais le prix d’une servante. »
    Je ne riais pas en l’entendant
dire ça.
    Je sentis une petite main tirer
sur mon vêtement, je regardai. Le petit Frans m’avait trouvée, il s’accrochait
à ma jupe. Je caressai sa tête, aux boucles aussi blondes que celles de son
père. « Ah ! te voilà ! m’exclamai-je. Où sont Jan et ta
grand-mère ? »
    Il était trop jeune pour me le
dire, mais j’aperçus ma mère et mon fils aîné qui se frayaient un passage
jusqu’à moi à travers les étals.
    Le regard de Tanneke allait et
venait entre mes fils, soudain son visage se durcit. Elle me lança un oeil plein
de reproche, sans me faire toutefois partager ses pensées. Elle recula,
écrasant le pied de la femme derrière elle. « N’oublie pas de passer cet
après-midi », ordonna-t-elle. Là-dessus elle disparut sans me donner le
temps de répondre.
    Ils avaient maintenant onze
enfants. Maertge et les ragots du marché m’en avaient tenue informée. Catharina
avait cependant perdu le bébé qu’elle avait mis au monde le jour de l’incident
du tableau et du couteau à palette. Dans l’impossibilité de descendre jusqu’à
son lit, elle avait dû accoucher dans l’atelier. Le bébé était arrivé avec un
mois d’avance, il était chétif. Il était mort peu de temps après la fête
célébrant sa naissance. J’avais appris que Tanneke m’en tenait pour
responsable.
    J’avais pendant quelque temps
imaginé son atelier avec le sang de Catharina par terre, me demandant comment
il arrivait encore à y peindre. Jan courut vers son petit frère et l’entraîna
dans un coin, où ils jouèrent avec un os, se le renvoyant avec le pied.
« Qui était-ce ? » demanda ma mère. Elle n’avait jamais rencontré
Tanneke.
    « Une cliente »,
répliquai-je. Je m’efforçais de la protéger contre ce qui pourrait la
perturber. Depuis la mort de mon père, elle était devenue aussi méfiante que
chien sauvage à l’égard de tout ce qui était nouveau ou différent et à l’égard
de tout changement.
    « Elle n’a rien acheté,
remarqua ma mère.
    — Non, nous n’avions pas
ce qu’elle voulait. » Je me tournai vers la cliente suivante sans donner à
ma mère le temps de me poser d’autres questions.
    Pieter et son père apparurent,
portant à eux deux un flanc de boeuf. Après l’avoir laissé tomber sur la table
par-derrière l’étal, ils s’armèrent de leurs couteaux. Jan et le petit Frans
abandonnèrent l’os avec lequel ils s’amusaient et se précipitèrent pour les
regarder. Ma mère recula, elle ne s’était jamais accoutumée à voir autant de
viande. « Je m’en vais, dit-elle en reprenant son seau.
    — Pourriez-vous surveiller
les garçons cet
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