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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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après-midi ? J’ai des courses à faire.
    — Où vas-tu ? »
    Je sourcillai. J’avais déjà
fait remarquer à ma mère qu’elle posait trop de questions. Avec l’âge, elle
était devenue suspicieuse, là où elle n’avait aucune raison de l’être. Cette
fois, pourtant, alors qu’il y avait quelque chose à lui cacher, je me trouvai
étrangement calme. Je ne lui répondis pas.
    Ce fut plus aisé avec Pieter.
Il se contenta de jeter un coup d’oeil vers moi tout en poursuivant ce qu’il
était en train de faire. Je lui fis un signe de tête. Il avait appris depuis
belle lurette à ne pas me poser de questions, tout en sachant que j’étais
parfois cachottière. Ainsi, pendant notre nuit de noces, ne me posa-t-il aucune
question lorsqu’il s’aperçut, en retirant ma coiffe, que j’avais les oreilles
percées.
    Les trous s’étaient cicatrisés
depuis longtemps. Il ne restait plus que deux minuscules boules de chair que je
ne sentais qu’en pinçant mes lobes.
     
    *
     
    Deux
mois s’étaient écoulés depuis que j’avais appris la nouvelle. Depuis deux mois,
je pouvais donc aller et venir dans Delft sans me demander si je le verrais ou
non. Au cours des années, il m’était arrivé une fois ou l’autre de l’apercevoir
au loin tandis qu’il se rendait à la Guilde ou en revenait, de le croiser près
de l’auberge de sa mère ou lorsqu’il allait chez Van Leeuwenhoek, près du marché
à la viande. Jamais je ne m’étais approchée de lui et je ne saurais dire s’il
m’avait vue. Il marchait dans la rue ou traversait la place, regardant au loin,
ni par arrogance ni de propos délibéré, mais comme s’il évoluait dans un
univers différent.
    Au
début, cela me fut très dur. Dès que je l’apercevais, je restais clouée sur
place où que je me trouve, j’étais pétrifiée, je ne pouvais plus respirer. Il
me fallait cacher ma réaction à Pieter père autant qu’à Pieter fils, la cacher
à ma mère et aux commères du marché.
    Je
crus longtemps que je comptais peut-être encore pour lui.
    Au bout d’un certain temps, je
finis par admettre qu’il s’était toujours davantage soucié de mon portrait que
de moi-même. Il me fut plus facile d’accepter cela après la naissance de Tan.
Avec l’arrivée de mon fils, mon centre d’intérêt était devenu ma famille, comme
jadis elle l’avait été avant que je sois placée comme servante. Jan prenait
tellement de mon temps qu’il ne m’était plus possible de regarder autour de
moi. Avec un bébé dans les bras, je n’allais plus consulter l’étoile à huit branches,
curieuse de savoir où elles aboutissaient. Quand j’apercevais mon ancien maître
de l’autre côté de la place, mon coeur ne se serrait plus, je ne pensais plus
perles ni fourrures, je n’éprouvais plus le besoin de revoir ses tableaux.
    Il
m’arrivait de croiser dans la rue les autres membres de la famille, Catharina,
les enfants, Maria Thins. Catharina et moi nous détournions l’une de l’autre.
Cornelia m’examinait, l’air déçu, car elle n’avait pas réussi à m’anéantir.
Lisbeth était fort occupée avec les garçons, trop jeunes pour se souvenir de
moi. Quant à Aleydis, elle me rappelait son père, ses yeux gris furetaient
autour sans jamais se poser près d’elle. Au bout de quelque temps arrivèrent
d’autres enfants. Je ne les connaissais plus, ou je ne les reconnaissais qu’à
leurs yeux rappelant ceux de leur père ou à leurs cheveux rappelant ceux de
leur mère.
    Seules
Maertge et Maria Thins répondaient à mes salutations. Maria Thins se contentait
d’un bref signe de tête quand elle me voyait, quant à Maertge, elle s’esquivait
du marché à la viande pour venir me trouver. Ce fut elle qui me rapporta mes
trésors, mon carreau de faïence brisé, mon livre de prières, mes cols et mes
coiffes. Ce fut elle aussi qui m’apprit au fil des années la mort de la mère du
maître, comment il avait dû reprendre la gestion de l’auberge, la façon dont
leurs dettes s’accumulaient, l’accident de Tanneke avec l’huile brûlante.
    Ce
fut elle encore qui, un jour, m’annonça toute guillerette : « Papa
est en train de peindre mon portrait de la manière dont il a peint le vôtre.
Moi toute seule, regardant par-dessus mon épaule. Ce sera les deux seuls
tableaux qu’il aura peints ainsi. »
    Pas tout à fait de la même
manière, pensai-je. Pas tout à fait… Je fus étonnée qu’elle connût l’existence
de ce
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