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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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m’arrêtai, n’ayant idée de ce
qu’elle allait faire.
    Lui, le savait. Il connaissait
son épouse. Il la suivit alors qu’elle s’approchait du tableau. Elle fut
rapide, mais il anticipa son geste, l’attrapant par le poignet au moment où
elle brandissait vers le tableau la pointe de diamant du couteau. Il l’arrêta à
l’instant où la lame allait toucher mon oeil. De l’endroit où je me tenais, je
pouvais voir l’oeil grand ouvert, un scintillement de boucle d’oreille qu’il
venait d’ajouter et le miroitement de la lame suspendue devant le tableau.
Catharina se débattait, il ne lâcherait pas son poignet tant qu’elle n’aurait
pas laissé tomber le couteau. Elle poussa un grognement. Lançant le couteau,
elle se cramponna alors à son ventre. Le couteau glissa sur les dalles jusqu’à
mes pieds, puis il se mit à tournoyer de plus en plus lentement, sous nos
regards effrayés, et finit par s’arrêter, sa lame pointée vers moi.
    Il m’incombait de le ramasser.
N’incombait-il pas aux servantes de ramasser les affaires de leurs maîtres et
de les ranger ? Je levai la tête, nos yeux se rencontrèrent, mon regard
soutint un long moment son regard gris. Je sus que ce serait la dernière fois.
Je ne regardai personne d’autre.
    Dans ses yeux, je pouvais lire
du regret.
    Je ne ramassai pas le couteau.
Je me retournai, sortis de la pièce, descendis l’escalier, franchis le seuil,
bousculant Tanneke. Une fois dans la rue, je m’en allai sans regarder les
enfants qui devaient être assis sur le banc, ni Tanneke qui devait maugréer car
je l’avais poussée, ni les fenêtres de l’atelier derrière lesquelles il
pourrait se tenir. Je me mis à courir. Je descendis l’Oude Langendijck,
traversai le pont menant à la place du Marché.
    Seuls les voleurs ou les
enfants s’en vont en courant.
    Parvenue au centre de la place,
je m’arrêtai à l’intérieur du cercle de dalles au milieu duquel se trouvait
l’étoile à huit branches. Chaque branche pointait vers une direction que je
pouvais suivre.
    Je pouvais retourner chez mes
parents.
    Je pouvais aller trouver Pieter
au marché à la viande et lui dire que j’acceptais de l’épouser.
    Je pouvais aller chez Van
Ruijven, il m’accueillerait avec un grand sourire.
    Je pouvais me rendre chez Van
Leeuwenhoek et lui demander d’avoir pitié de moi.
    Je pouvais me rendre à
Rotterdam pour essayer d’y retrouver Frans.
    Je pouvais m’en aller seule
vers quelque lointain endroit.
    Je pouvais retourner au Coin
des papistes.
    Je pouvais me rendre à la
Nouvelle-Église afin de prier Dieu de me guider.
    Je pouvais me mettre au milieu
du cercle et tourner, tourner tout en réfléchissant.
    Une fois que j’aurais fait mon
choix, le choix que je savais devoir faire, je placerais minutieusement les
pieds sur la pointe de la branche et suivrais d’un pas ferme la direction
qu’elle m’indiquerait.
1676

 
     
    Quand je levai la tête et
l’aperçus, je faillis lâcher mon couteau. Cela faisait dix ans que je ne
l’avais pas vue. Elle n’avait guère changé, peut-être s’était-elle un peu
étoffée. Sur sa joue, des cicatrices étaient venues s’adjoindre aux vieilles
marques de variole. Maertge, qui passait parfois à l’étal, m’avait raconté
l’accident : un rôti de mouton l’avait éclaboussée d’huile brûlante.
    Rôtir la viande n’avait jamais
été son fort.
    Elle se tenait à quelque
distance, aussi était-il difficile de dire si elle était vraiment venue dans
l’intention de me voir. Je sentais que ce ne pouvait être par simple hasard.
Pendant dix ans, elle s’était arrangée pour m’éviter dans une ville qui n’était
pourtant pas bien grande. Jamais je ne l’avais croisée, ni au marché, ni au
marché à la viande, ni même le long des canaux. Je dois toutefois avouer que je
ne me promenais pas souvent du côté de l’Oude Langendijck.
    Elle s’approcha à contrecoeur de
l’étal. Je posai mon couteau, essuyai mes mains tachées de sang à mon tablier.
« Bonjour, Tanneke, dis-je avec calme, comme si nous venions de nous
quitter. Comment allez-vous ?
    — Madame veut te voir,
dit-elle d’un ton abrupt, en fronçant les sourcils. Il faut que tu viennes à la
maison cet après-midi. »
    Il y avait bien des années que
l’on ne m’avait pas parlé sur ce ton. Les clients demandaient une chose ou
l’autre, mais c’était différent, libre à moi de refuser si je n’aimais pas leur
façon de
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