Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
Vom Netzwerk:
d’oreille et me la tendit.
    « Je veux que vous fassiez
cela vous-même. » Je n’aurais pas cru que je pouvais avoir autant
d’aplomb.
    Lui non plus. Il parut étonné,
ouvrit la bouche, mais il n’en sortit rien.
    Il s’approcha de ma chaise. Mes
mâchoires se contractèrent mais je parvins à garder la tête immobile. Il tendit
la main et toucha doucement mon oreille.
    Je haletais comme si j’avais
retenu ma respiration sous l’eau.
    Il frotta le lobe enflé entre
le pouce et l’index, puis il l’étira. De l’autre main, il glissa le fil
métallique dans le trou et le poussa au travers. Une douleur brûlante me
transperça, m’emplissant les yeux de larmes.
    Il ne retira pas la main. Ses
doigts effleurèrent mon cou et ma mâchoire. Il remonta le long de mon visage
jusqu’à ma joue puis, de son pouce, il effaça mes larmes. Il passa ensuite ce
dernier sur ma lèvre inférieure. Je le léchai. Il était salé. Je fermai les
yeux, il retira ses doigts. Quand je les rouvris, il était retourné à son
chevalet et tenait sa palette.
    Assise sur ma chaise, je
l’observai par-dessus mon épaule. Mon oreille me brûlait, le poids de la perle
tirait sur le lobe. Je ne pouvais penser qu’à ses doigts sur mon cou, son pouce
sur mes lèvres.
    Il me regarda mais il ne se
remit pas à peindre. Je me demandai à quoi il pensait.
    Il finit par tendre à nouveau
la main pour saisir quelque chose derrière lui. « Vous devez porter
l’autre aussi », déclara-t-il en prenant la seconde boucle d’oreille et en
me la tendant.
    Pendant un moment, je ne pus
dire un mot. Je voulais qu’il pense à moi et non pas au tableau.
    « Pourquoi ?
répondis-je enfin. On ne peut pas la voir sur le tableau.
    — Vous devez porter les
deux, insista-t-il. C’est grotesque de n’en mettre qu’une.
    — Mais l’autre oreille
n’est pas percée, bredouillai-je.
    — Dans ce cas, il faudra
que vous fassiez le nécessaire. »
    Je tendis la main et pris la
boucle d’oreille. C’est pour lui que je le fis. Je sortis mon aiguille et
l’essence de clou de girofle et perçai mon autre oreille. Sans pleurer, sans
défaillir, sans pousser un cri. Je posai ensuite toute la matinée. Il peignit
la boucle d’oreille qu’il pouvait voir, et je sentis tel un feu dans mon autre
oreille, la perle qu’il ne pouvait pas voir.
    La lessive qui trempait dans la
cuisine avait refroidi, l’eau était devenue grise. Tanneke allait et venait
bruyamment à la cuisine, dehors les filles criaient et nous, derrière notre
porte close, nous étions assis et nous regardions. Et il peignait.
    Quand il posa enfin son pinceau
et sa palette, je ne changeai pas de position, même si j’avais mal aux yeux à
force de regarder sur le côté. Je ne voulais pas bouger.
    « C’est fini »,
dit-il, d’une voix sourde. Il se détourna et entreprit de nettoyer sa palette
avec un chiffon. Je regardai le couteau, il était couvert de peinture blanche.
    « Retirez les boucles
d’oreilles et remettez-les à Maria Thins quand vous descendrez »,
ajouta-t-il.
    Je me mis à pleurer en silence.
Je me levai, me dirigeai vers le débarras sans le regarder et je retirai
l’étoffe bleu et jaune enroulée autour de ma tête. J’attendis un moment, les
cheveux sur les épaules, mais il ne vint pas. Maintenant que le tableau était
achevé, il ne voulait plus de moi.
    Je me plaçai devant le petit
miroir pour enlever les boucles d’oreilles. Les trous de mes lobes saignaient,
je les tamponnai avec un bout de tissu, puis j’attachai mes cheveux avant de
les couvrir, et de couvrir mes oreilles, avec ma coiffe, laissant les pointes
de celle-ci pendre sous mon menton.
    Quand je revins, il était
parti. Il m’avait laissé la porte de l’atelier ouverte. L’idée me vint un
moment de regarder le tableau afin de voir ce qu’il avait fait. Afin de le voir
terminé, la boucle d’oreille en place. Je décidai d’attendre le soir, je serais
libre alors de l’étudier à loisir, sans avoir à craindre que quelqu’un ne pût
entrer.
    Je traversai l’atelier et
refermai la porte derrière moi. Je devais le regretter puisque je ne pus jamais
regarder le tableau achevé.
     
    *
     
    Catharina rentra quelques
minutes à peine après que j’eus rendu les boucles d’oreilles à Maria Thins, qui
les rangea aussitôt dans le coffret à bijoux, je courus ensuite à la cuisine
aider Tanneke à préparer le repas. Je remarquai qu’elle ne me regardait pas en
face
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher