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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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mais de côté, secouant parfois la tête.
    Il fut absent au dîner, il
était sorti. La table débarrassée, je retournai dans la cour rincer la lessive.
Il me fallut aller rechercher de l’eau propre et la mettre à chauffer. Tandis
que je travaillais, Catharina faisait la sieste dans la grande salle. De son
côté, Maria Thins fumait et écrivait des lettres dans la salle de la
Crucifixion. Assise à l’entrée, Tanneke cousait. Perchée sur le banc, Maertge
faisait de la dentelle. Près d’elle, Aleydis et Lisbeth triaient leur
collection de coquillages.
    Je ne vis pas Cornelia.
    J’étais en train de suspendre
un tablier quand j’entendis Maria Thins demander : « Où
vas-tu ? » Ce fut le ton de sa voix plutôt que ce qu’elle disait qui
me fit interrompre mon travail. Elle semblait inquiète.
    Je me glissai dans le couloir.
Maria Thins était au pied de l’escalier, la tête tournée vers le haut. Debout à
l’entrée, Tanneke ne lâchait pas sa maîtresse du regard. J’entendis les marches
craquer et les halètements de Catharina se hissant péniblement dans l’escalier.
    À ce moment, je compris ce qui
allait arriver, à elle, à lui, à moi.
    Cornelia est là, me dis-je.
Elle emmène sa mère voir le tableau.
    J’aurais pu couper court aux
affres de l’attente. J’aurais pu partir, sans même me retourner, laissant la
lessive inachevée. Mais je ne pouvais bouger. J’étais clouée sur place, comme
Maria Thins, au bas de l’escalier. Elle aussi savait ce qui allait se passer et
elle ne pouvait l’empêcher.
    Je m’effondrai, Maria Thins me
vit, mais elle ne dit mot, continuant à regarder, perplexe, ce qui arrivait
là-haut. Le bruit dans l’escalier cessa alors et nous entendîmes le pas pesant
de Catharina se dirigeant vers l’atelier. Maria Thins se précipita en haut, je
restai à genoux, trop épuisée pour me relever. Tanneke, debout dans l’entrée,
empêchait la lumière de passer. Elle me regardait, les bras croisés, le visage
sans expression.
    Peu après retentit un cri de
rage, des voix s’élevèrent alors, qui furent vite étouffées.
    Cornelia descendit.
« Maman veut que papa revienne à la maison », annonça-t-elle à
Tanneke.
    Tanneke recula et se tourna
vers le banc. « Va chercher ton père à la Guilde, ordonna-t-elle à
Maertge. Dépêche-toi, dis-lui que c’est important. »
    Cornelia regarda autour d’elle.
En me voyant, son visage s’éclaira. Je me relevai et me rendis dans la cour. Je
n’avais d’autre choix que suspendre la lessive et attendre.
    À son retour, je crus un moment
qu’il allait venir me trouver dans la cour, cachée au milieu des draps qui
séchaient. Il ne le fit pas. Je l’entendis dans l’escalier, puis plus rien.
    Je m’adossai au mur de brique
voluptueusement tiède et levai la tête. C’était une belle journée. Le ciel,
sans nuages, était d’un bleu ironique. C’était une de ces journées où les
enfants s’ébrouent dans les rues en criant à tue-tête, où les amoureux
franchissent les portes de la ville et, laissant là les moulins à vent, s’en
vont marcher le long des canaux, où les vieilles s’asseyent au soleil en
fermant les yeux. Sans doute mon père était-il assis sur le banc devant la
maison, le visage tourné vers la chaleur. Demain, il gèlerait peut-être, mais
aujourd’hui, c’était le printemps.
    Ils envoyèrent Cornelia me
chercher. Quand elle apparut entre les vêtements qui séchaient et me regarda
avec un cruel petit sourire, j’eus envie de la gifler comme en ce premier jour
où j’étais venue travailler chez eux. Je me retins, restant assise, les mains
sur les genoux, les épaules courbées, à la regarder exhiber sa joie. Le soleil
jouait sur ses mèches d’or, héritées de sa mère, qui striaient ses cheveux
roux.
    « On vous demande là-haut,
annonça-t-elle d’un ton solennel. Ils veulent vous voir. » Là-dessus, elle
fit demi-tour et rentra en sautillant dans la maison.
    Je me baissai pour épousseter
mes chaussures puis, me redressant, remis ma jupe en place, lissai mon tablier
et tirai bien fort sur les cordons de ma coiffe, vérifiant qu’aucune mèche
folle ne dépassât. Je passai la langue sur mes lèvres, respirai à fond et
suivis Cornelia.
    Catharina avait pleuré. Elle
avait le nez rouge, les yeux gonflés. Elle était assise sur le tabouret qu’il
approchait, en général, de son chevalet. Cette fois, il avait été repoussé
contre le mur et le bahut où il
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