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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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commença-t-il d’une voix
grave, il est nécessaire de procéder à l’inventaire du patrimoine afin
d’évaluer les biens, compte tenu des dettes. Catharina souhaiterait toutefois
commencer par régler certaines affaires personnelles. » Il lança un coup
d’oeil à Catharina. Elle continuait à jouer avec la houppette.
    Ils ne s’apprécient pas plus
qu’avant, me dis-je. Ils ne seraient même pas dans la même pièce s’ils
pouvaient l’éviter.
    Van Leeuwenhoek prit une feuille
de papier qui était sur la table. « Il m’a adressé cette lettre dix jours
avant sa mort », me dit-il puis, se tournant vers Catharina, il poursuivit :
« Mais il vous incombe de le faire car c’est à vous qu’elles
appartiennent, et non point à lui ou à moi. En tant qu’exécuteur de son
testament, je ne devrais même pas être ici présent pour servir de témoin, mais
c’était un ami, aussi aimerais-je voir son souhait exaucé. »
    Catharina lui arracha le papier
des mains. « Mon mari avait bonne santé, vous le savez, me dit-elle. Il
n’a été vraiment souffrant qu’un jour ou deux avant sa mort. Ce sont ces dettes
qui l’ont mis dans tous ses états. »
    J’avais peine à imaginer mon
maître dans tous ses états…
    Catharina regarda la lettre.
Après un coup d’oeil en direction de Van Leeuwenhoek, elle ouvrit son coffret à
bijoux. « Il a demandé que vous ayez ceci. » Elle prit les boucles
d’oreilles, hésita un instant et les posa sur la table.
    Près de m’évanouir, je fermai
les yeux, posant le bout des doigts sur le dossier de la chaise pour me
stabiliser.
    « Je ne les ai jamais
reportées, déclara Catharina d’un ton amer. Je ne pouvais plus. »
    J’ouvris les yeux. « Je ne
peux pas prendre vos boucles d’oreilles, Madame.
    — Pourquoi pas ? Il
vous est déjà arrivé une fois de les prendre et puis, de toute façon, il ne
vous appartient pas de décider. Il l’a décidé pour vous. Et pour moi. Elles
sont à vous maintenant, prenez-les. »
    J’hésitai, puis je tendis la
main et les pris. Elles étaient fraîches et lisses au toucher, telles que je me
les rappelais, et dans leur galbe gris et blanc un univers se trouvait reflété.
    Je les pris.
    « Et maintenant, allez,
ordonna Catharina d’une voix qu’étouffaient des larmes rentrées. J’ai fait ce
qu’il a demandé. Je n’en ferai pas davantage. » Elle se leva, chiffonna le
papier et le jeta au feu. Elle le regarda partir en flammes en me tournant le
dos.
    Elle me faisait vraiment pitié.
Même si elle ne put le voir, je la saluai respectueusement de la tête, puis je
saluai Van Leeuwenhoek, qui me répondit par un sourire. « Veillez à rester
vous-même », m’avait-il recommandé, des années plus tôt. Je me demandai si
j’y avais veillé, ce n’était pas toujours aisé de le savoir.
    Je m’esquivai, serrant bien
fort mes boucles d’oreilles, faisant craquer les dalles disjointes.
    Cornelia se tenait dans le
couloir. Sa robe brune avait été raccommodée à plusieurs endroits, elle n’était
pas aussi propre qu’elle aurait pu l’être.
    Je l’effleurai en passant, elle
me dit tout bas, cupide : « Vous pourriez me les donner. » Ses
yeux rapaces riaient.
    Je tendis la main et la giflai.
     
    *
     
    De retour à la place du Marché,
je m’arrêtai près de l’étoile qui se trouvait au centre et contemplai les
perles dans ma main. Je ne pouvais pas les garder. Qu’en ferais-je ? Je ne
pouvais dire à Pieter comment elles étaient arrivées en ma possession, il
aurait fallu que je lui explique tout ce qui s’était passé, il y avait si
longtemps. Et puis, je ne pouvais les porter : ce genre de bijoux ne
seyait pas plus à l’épouse d’un boucher qu’à une servante.
    Je fis plusieurs fois le tour
de l’étoile et me dirigeai vers une boutique dont j’avais entendu parler mais
dans laquelle je n’étais jamais entrée, elle était cachée dans une ruelle
derrière la Nouvelle-Eglise. Jamais je n’aurais mis les pieds dans ce genre
d’endroit dix ans plus tôt.
    L’homme avait pour commerce les
secrets. Je savais qu’il ne me poserait aucune question et ne raconterait à
personne que j’étais venue le trouver. Ayant vu défiler d’innombrables trésors,
il ne s’intéressait plus à leur petite histoire. Il regarda les boucles
d’oreilles à la lumière, les mordilla, sortit les examiner au jour.
    « Vingt florins »,
conclut-il.
    J’approuvai de la tête,
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