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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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chefs, baissa son front dense, ses cornes étincelantes ; il s’élança comme un vaste projectile, il rebondit contre le mammouth le plus proche. Frappé à l’épaule et quoiqu’il eût amorti le coup par une cinglée de trompe, le colosse tomba sur les genoux. L’aurochs poursuivit le combat avec la ténacité de sa race. Il avait l’avantage ; sa corne acérée redoubla l’attaque, et le mammouth ne pouvait se servir, très imparfaitement, que de sa trompe. Dans cette vaste mêlée de muscles, l’aurochs fut la fureur hasardeuse, un orage d’instincts que décelaient les gros yeux de brume, la nuque palpitante, le mufle écumeux et les mouvements sûrs, nets, véloces, mais monotones. S’il pouvait abattre l’adversaire et lui ouvrir le ventre, où la peau était moins épaisse et la chair plus sensible, il devait vaincre.
    Le mammouth en avait conscience ; il s’ingéniait à éviter la chute complète, et le péril l’induisait au sang-froid. Un seul élan suffisait à le relever, mais il eût fallu que l’aurochs ralentît ses poussées.
    D’abord, le combat avait surpris les autres mâles. Les quatre mammouths et les sept taureaux se tenaient face à face, dans une attente formidable. Aucun ne fit mine d’intervenir : ils se sentaient menacés eux-mêmes. Les mammouths donnèrent les premiers signes d’impatience. Le plus haut, avec un soufflement, agita ses oreilles membraneuses, pareilles à de gigantesques chauves-souris, et s’avança. Presque en même temps, celui qui combattait le taureau dirigeait un coup de trompe violent dans les jambes de l’adversaire. L’aurochs chancela à son tour et le mammouth se redressa. Les énormes bêtes se retrouvèrent face à face. La fureur tourbillonnait dans le crâne du mammouth ; il leva la trompe avec un barrit métallique et mena l’attaque. Les défenses courbes projetèrent l’aurochs et firent craquer l’ossature ; puis, obliquant, le mammouth rabattit sa trompe. Avec une rage grandissante, il creva le ventre de l’adversaire, il piétina les longues entrailles et les côtes rompues, il baigna dans le sang, jusqu’au poitrail, ses pattes monstrueuses. L’effroyable agonie se perdit dans un roulement de clameurs : la bataille entre les grands mâles avait débuté. Les sept aurochs, les quatre mammouths se ruaient dans une bataille aveugle, comparable à ces paniques où la bête perd tout contrôle sur elle-même. Le vertige gagna les troupeaux ; le beuglement profond des aurochs se heurtait au barrit strident des mammouths ; la haine soulevait ces longs flots de corps, ces torrents de têtes, de cornes, de défenses et de trompes.
    Les chefs mâles ne vivaient plus que la guerre : leurs structures se mêlaient dans un grouillement informe, une immense broyée de chairs, pétrie de douleur et de rage. Au premier choc, l’infériorité du nombre avait donné le désavantage aux mammouths. L’un d’eux fut terrassé par trois taureaux, un deuxième immobilisé dans la défensive ; mais les deux autres remportèrent une victoire rapide. Précipités en bloc sur leurs antagonistes, ils les avaient percés, étouffés, disloqués ; ils perdaient plus de temps à piétiner les victimes qu’ils n’en avaient mis à les battre. Enfin, apercevant le péril des compagnons, ils chargèrent : les trois aurochs, acharnés à détruire le colosse abattu, furent pris à l’improviste. Ils culbutèrent d’une seule masse ; deux furent émiettés sous les lourdes pattes, le troisième se déroba. Sa fuite entraîna celle des taureaux qui combattaient encore, et les aurochs connurent l’immense contagion de la terreur. D’abord un malaise d’orage, un silence, une immobilité étranges qui semblaient se propager à travers la multitude, puis le vacillement des yeux vagues, un piétinement pareil à la chute d’une pluie, le départ en torrent, une fuite qui devenait une bataille dans la passe trop étroite, chaque bête transformée en énergie fuyante, en projectile de panique, les forts terrassant les faibles, les véloces fuyant sur le dos des autres, tandis que les os craquaient ainsi que des arbres abattus par le cyclone.
    Les mammouths ne songeaient pas à la poursuite : une fois de plus ils avaient donné la mesure de leur puissance, une fois de plus ils se connaissaient les maîtres de la terre ; et la colonne des géants couleur d’argile, aux longs poils rudes, aux rudes crinières, se rangea sur la rive de
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