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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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l’abreuvoir et se mit à boire de si formidable sorte que l’eau baissait dans les criques.
    Sur le flanc des collines, un flot de bêtes légères, encore effarées par la lutte, regardait boire les mammouths. Les Oulhamr les contemplaient aussi, dans la stupeur d’un des grands épisodes de la nature. Et Naoh, comparant les bêtes souveraines à Nam et à Gaw, les bras grêles, les jambes minces, les torses étroits, aux pieds rudes comme des chênes, aux corps hauts comme des rochers, concevait la petitesse et la fragilité de l’homme, l’humble vie errante qu’il était sur la face des savanes. Il songeait aussi aux lions jaunes, aux lions géants et aux tigres qu’il rencontrerait dans la forêt prochaine et sous la griffe desquels l’homme ou le cerf élaphe sont aussi faibles qu’un ramier dans les serres d’un aigle.

3

    Dans la caverne

    C’était vers le tiers de la nuit. Une lune blanche comme la fleur du liseron sillait le long d’un nuage. Elle laissait couler son onde sur la rivière, sur les rocs taciturnes, elle fondait une à une les ombres de l’abreuvoir. Les mammouths étaient repartis ; on n’apercevait, par intervalles, qu’une bête rampante ou quelque hulotte sur ses ailes de silence. Et Gaw, dont c’était le tour de garde, veillait à l’entrée de la caverne. Il était las ; sa pensée, rare et fugitive, ne s’éveillait qu’aux bruits soudains, aux odeurs accrues ou nouvelles, aux chutes ou aux tressauts du vent. Il vivait dans une torpeur où tout s’engourdissait, sauf le sens du péril et de la nécessité. La fuite brusque d’un saïga lui fit dresser la tête. Alors il entrevit, de l’autre côté de la rivière, sur la cime abrupte de la colline, une silhouette massive qui marchait en oscillant. Les membres pesants et toutefois souples, la tête solide, effilée aux mâchoires, quelque bizarre apparence humaine, décelaient un ours. Gaw connaissait l’ours des cavernes, colosse au front bombé qui vivait pacifiquement dans ses repaires et sur ses terres de pâture, plantivore que la famine seule induisait à se nourrir de chair. Celui qui s’avançait ne semblait pas de cette sorte. Gaw en fut assuré lorsqu’il se silhouetta dans le clair de lune : le crâne aplati, avec un pelage grisâtre, il avait une allure où l’Oulhamr reconnut l’assurance, la menace et la férocité des bêtes carnassières ; c’était l’ours gris, rival des grands félins.
    Gaw se souvint des légendes rapportées par ceux qui avaient voyagé sur les terres hautes. L’ours gris terrasse l’aurochs ou l’urus et les transporte plus aisément que le léopard ne transporte une antilope. Ses griffes peuvent ouvrir d’un seul coup la poitrine et le ventre d’un homme ; il étouffe un cheval entre ses pattes ; il brave le tigre et le lion fauve ; le vieux Goûn croit qu’il ne cède qu’au lion géant, au mammouth, au rhinocéros.
    Le fils du Saïga ne ressentit pas la crainte subite qu’il eût ressentie devant le tigre. Car, ayant rencontré l’ours des cavernes, il l’avait jugé insoucieux et bénévole. Ce souvenir le rassura d’abord ; mais l’allure du fauve parut plus équivoque à mesure que se précisait sa silhouette, si bien que Gaw recourut au chef.
    Il n’eut qu’à lui toucher la main ; la haute stature s’éleva dans l’ombre :
    – Que veut Gaw ? dit Naoh en surgissant à l’entrée de la caverne.
    Le jeune Nomade tendit la main vers le haut de la colline ; la face du chef se consterna :
    – L’ours gris !
    Son regard examinait la caverne. Il avait eu soin d’assembler des pierres et des branchages ; quelques blocs étaient à proximité, qui pouvaient rendre l’entrée très difficile. Mais Naoh songeait à fuir, et la retraite n’était possible que du côté de l’abreuvoir. Si l’animal rapide, infatigable et opiniâtre se décidait à poursuivre, il atteindrait presque à coup sûr les fugitifs. L’unique ressource serait de se hisser sur un arbre : l’ours gris ne grimpait pas. En revanche, il était capable d’attendre un temps indéfini, et l’on ne voyait à proximité que des arbres aux branches menues.

    Le fauve avait-il vu Gaw, accroupi, confondu avec les blocs, attentif à ne faire aucun mouvement inutile ? Ou bien était-il l’habitant de la caverne, revenu après un long voyage ? Comme Naoh songeait à ces choses, l’animal se mit à descendre la pente roide. Quand il eut atteint un terrain moins
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