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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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chasser sur des savanes nouvelles et dans des forêts abondantes. Quel souffle avait passé ? Pourquoi les Oulhamr avaient-ils tournoyé dans l’épouvante, pourquoi est-ce leurs os qui craquèrent, leurs ventres qui vomirent les entrailles, leurs poitrines qui hurlèrent l’agonie, tandis que l’ennemi, envahissant le camp, renversait les Feux Sacrés ? Ainsi s’interrogeait l’âme de Faouhm, épaisse et lente. Elle s’acharnait sur ce souvenir, comme l’hyène sur sa carcasse. Elle ne voulait pas être déchue, elle ne sentait pas qu’elle eût moins d’énergie, de courage et de férocité.

    La lumière s’éleva dans sa force. Elle roulait sur le marécage, fouillant les boues et séchant la savane. La joie du matin était en elle, la chair fraîche des plantes. L’eau parut plus légère, moins perfide et moins trouble. Elle agitait des faces argentines parmi les îles vert-de-grisées ; elle jetait de longs frissons de malachite et de perles, elle étalait des soufres pâles, des écaillures de mica, et son odeur était plus douce à travers les saules et les aulnes. Selon le jeu des adaptations et des circonstances, triomphaient les algues, étincelait le lis des étangs ou le nénuphar jaune, surgissaient les flambes d’eau, les euphorbes palustres, les lysimaques, les sagittaires, s’étalaient des golfes de renoncules à feuilles d’aconit, des méandres d’orpin velu, de linaigrettes, d’épilobes roses, de cardamines amères, de rossolis, des jungles de roseaux et d’oseraies où pullulaient les poules d’eau, les chevaliers noirs, les sarcelles, les pluviers, les vanneaux aux reflets de jade, la lourde outarde ou la marouette aux longs doigts. Des hérons guettaient au bord des criques roussâtres ; des grues s’ébattaient en claquant sur un promontoire ; le brochet barbelé se ruait sur les tanches, et les dernières libellules filaient en traits de feu vert, en zigzags de lazurite.
    Faouhm considérait sa tribu. Le désastre était sur elle comme une portée de reptiles : jaune de limon, écarlate de sang, verte d’algues, elle jetait une odeur de fièvre et de chair pourrie. Il y avait des hommes roulés sur eux-mêmes comme des pythons, d’autres allongés comme des sauriens et quelques-uns râlaient, saisis par la mort. Les blessures devenaient noires, hideuses au ventre, plus encore à la tête, où elles s’élargissaient de l’éponge rougie des cheveux. Presque tous devaient guérir, les plus atteints ayant succombé sur l’autre rive ou péri dans les eaux.
    Faouhm, détachant ses yeux des dormeurs, examina ceux qui ressentaient plus amèrement la défaite que la lassitude. Beaucoup témoignaient de la belle structure des Oulhamr. C’étaient de lourds visages, des crânes bas, des mâchoires violentes. Leur peau était fauve, non noire ; presque tous produisaient des torses et des membres velus. La subtilité de leurs sens s’étendait à l’odorat, qui luttait avec celui des bêtes. Ils avaient des yeux grands, souvent féroces, parfois hagards, dont la beauté se révélait vive chez les enfants et chez quelques jeunes filles. Les tribus paléolithiques vivaient dans une atmosphère profonde ; leur chair recelait une jeunesse qui ne reviendra plus, fleur d’une vie dont nous imaginons imparfaitement l’énergie et la véhémence.

    Faouhm leva les bras vers le soleil, avec un long hurlement :
    – Que feront les Oulhamr sans le Feu ? cria-t-il. Comment vivront-ils sur la savane et la forêt, qui les défendra contre les ténèbres et le vent d’hiver ? Ils devront manger la chair crue et la plante amère ; ils ne réchaufferont plus leurs membres ; la pointe de l’épieu demeurera molle. Le lion, la bête-aux-dents-déchirantes, l’ours, le tigre, la grande hyène les dévoreront vivants dans la nuit. Qui ressaisira le Feu ? Celui-là sera le frère de Faouhm ; il aura trois parts de chasse, quatre parts de butin ; il recevra en partage Gammla, fille de ma sœur, et, si je meurs, il prendra le bâton de commandement.
    Alors Naoh, fils du Léopard, se leva et dit :
    – Qu’on me donne deux guerriers aux jambes rapides et j’irai prendre le Feu chez les fils du Mammouth ou chez les Dévoreurs d’Hommes, qui chassent aux bords du Double-Fleuve.
    Faouhm ne lui jeta pas un regard favorable. Naoh était, par la stature, le plus grand des Oulhamr. Ses épaules croissaient encore. Il n’y avait point de guerrier aussi agile, ni dont la
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