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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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prit une poignée de terre, il la lança sur le plus audacieux, criant :
    – Nous avons des épieux et des massues qui peuvent détruire l’ours, l’aurochs et le lion !...
    Le chien, atteint à la gueule et surpris par les inflexions de la parole, s’enfuit. Les autres s’appelèrent et parurent délibérer. Naoh jeta une nouvelle poignée de terre :
    – Vous êtes trop faibles pour combattre les Oulhamr ! Allez chercher les saïgas et détruire les loups. Le chien qui approchera encore répandra ses entrailles.
    Éveillés par la voix du chef, Nam et Gaw se dressèrent ; ces nouvelles silhouettes déterminèrent la retraite des bêtes.
    Naoh marcha sept jours en évitant les embûches du monde. Elles augmentaient à mesure qu’on approchait de la forêt. Quoiqu’elle fût à plusieurs journées encore, elle s’annonçait par des îlots d’arbres, par l’apparition des grands fauves ; les Oulhamr aperçurent le tigre et la grande panthère. Les nuits devinrent pénibles : ils travaillaient, longtemps avant le crépuscule, à s’environner d’obstacles ; ils recherchaient le creux des tertres, les rocs, les fourrés ; ils fuyaient les arbres. Le huitième et le neuvième jour, ils souffrirent de la soif. La terre n’offrit ni source ni mare ; le désert des herbes pâlissait ; des reptiles secs étincelaient parmi les pierres ; les insectes répandaient dans l’étendue une palpitation inquiétante : ils filaient en spirale de cuivre, de jade, de nacre ; ils fondaient sur la peau des guerriers et dardaient leurs trompes âcres.
    Quand l’ombre du neuvième jour devint longue, la terre se fit fraîche et tendre, une odeur d’eau descendit des collines, et l’on aperçut un troupeau d’aurochs qui marchait vers le sud. Alors, Naoh dit à ses compagnons :
    – Nous boirons avant le coucher du soleil !... Les aurochs vont à l’abreuvoir.
    Nam, fils du Peuplier, et Gaw, fils du Saïga, redressèrent leurs corps desséchés. C’étaient des hommes agiles et indécis. Il fallait leur donner le courage, la résignation, la résistance à la douleur, la confiance. En retour, ils offraient leur docilité, plastiques comme l’argile, enclins à l’enthousiasme, prompts à oublier la souffrance et à goûter la joie. Et parce que, étant seuls, ils se déconcertaient vite devant la terre et les bêtes, ils se pliaient à l’unité : ainsi, Naoh y percevait des prolongements de sa propre énergie. Leurs mains étaient adroites, leurs pieds souples, leurs yeux à longue portée, leurs oreilles fines. Un chef en pouvait tirer des services sûrs ; il suffisait qu’ils connussent sa volonté et son courage. Or, depuis le départ, leurs cœurs s’attachaient à Naoh ; il était l’émanation de la race, la puissance humaine devant le mystère cruel de l’Univers, le refuge qui les abriterait, tandis qu’ils lanceraient le harpon ou abattraient la hache. Et parfois, lorsqu’il marchait devant eux, dans l’ivresse du matin, joyeux de sa stature et de sa grande poitrine, ils frémissaient d’une exaltation farouche et presque tendre, tout leur instinct épanoui vers le chef, comme le hêtre vers la lumière.
    Il le sentait mieux qu’il ne le comprenait, il s’accroissait de ces êtres liés à son sort, individualité plus multiple, plus compliquée, plus sûre de vaincre et de déjouer les embûches.
    Des ombres longues se détachaient de la base des arbres, les herbes se gorgeaient d’une sève abondante, et le soleil, plus jaune et plus grand à mesure qu’il glissait vers l’abîme, faisait luire le troupeau d’aurochs comme un fleuve d’eaux fauves.
    Les derniers doutes de Naoh se dissipèrent : par-delà l’échancrure des collines, l’abreuvoir était proche ; son instinct l’en assurait, et le nombre des bêtes furtives qui suivaient la route des aurochs. Nam et Gaw le savaient aussi, les narines dilatées aux émanations fraîches.
    – Il faut devancer les aurochs, fit Naoh.
    Car il craignait que l’abreuvoir ne fût étroit et que les colosses n’en obstruassent les bords. Les guerriers accélérèrent la marche afin d’atteindre avant le troupeau le creux des collines.
    À cause de leur nombre, de la prudence des vieux taureaux et de la lassitude des jeunes, les bêtes avançaient avec lenteur. Les Oulhamr gagnèrent du terrain. D’autres créatures suivaient la même tactique ; on voyait filer de légers saïgas, des égagres, des mouflons, des
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