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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu
Autoren: J.H. Rosny aîné
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1

    La mort du Feu

    Les Oulhamr fuyaient dans la nuit épouvantable. Fous de souffrance et de fatigue, tout leur semblait vain devant la calamité suprême : le Feu était mort. Ils l’élevaient dans trois cages, depuis l’origine de la horde ; quatre femmes et deux guerriers le nourrissaient nuit et jour.
    Dans les temps les plus noirs, il recevait la substance qui le fait vivre ; à l’abri de la pluie, des tempêtes, de l’inondation, il avait franchi les fleuves et les marécages, sans cesser de bleuir au matin et de s’ensanglanter le soir. Sa face puissante éloignait le lion noir et le lion jaune, l’ours des cavernes et l’ours gris, le mammouth, le tigre et le léopard ; ses dents rouges protégeaient l’homme contre le vaste monde. Toute joie habitait près de lui. Il tirait des viandes une odeur savoureuse, durcissait la pointe des épieux, faisait éclater la pierre dure ; les membres lui soutiraient une douceur pleine de force ; il rassurait la horde dans les forêts tremblantes, sur la savane interminable, au fond des cavernes. C’était le Père, le Gardien, le Sauveur, plus farouche cependant, plus terrible que les mammouths, lorsqu’il fuyait de la cage et dévorait les arbres.
    Il était mort ! L’ennemi avait détruit deux cages ; dans la troisième, pendant la fuite, on l’avait vu défaillir, pâlir et décroître. Si faible, il ne pouvait mordre aux herbes du marécage ; il palpitait comme une bête malade. À la fin, ce fut un insecte rougeâtre, que le vent meurtrissait à chaque souffle... Il s’était évanoui... Et les Oulhamr fuyaient, dépouillés, dans la nuit d’automne. Il n’y avait pas d’étoiles. Le ciel pesant touchait les eaux pesantes ; les plantes tendaient leurs fibres froides ; on entendait clapoter les reptiles ; des hommes, des femmes, des enfants s’engloutissaient, invisibles. Autant qu’ils le pouvaient, orientés par la voix des guides, les Oulhamr suivaient une ligne de terre plus haute et plus dure, tantôt à gué, tantôt sur des îlots.
    Trois générations avaient connu cette route, mais il aurait fallu la lueur des astres. Vers l’aube, ils approchèrent de la savane.
    Une lueur transie filtra parmi les nuages de craie et de schiste. Le vent tournoyait sur des eaux aussi grasses que du bitume ; les algues s’enflaient en pustules ; les sauriens engourdis roulaient parmi les nymphéas et les sagittaires. Un héron s’éleva sur un arbre de cendre et la savane apparut avec ses plantes grelottantes, sous une vapeur rousse, jusqu’au fond de l’étendue.
    Les hommes se dressèrent, moins recrus, et, franchissant les roseaux, ils furent dans les herbes, sur la terre forte.
    Alors, la fièvre de mort tombée, beaucoup devinrent des bêtes inertes : ils coulèrent sur le sol, ils sombrèrent dans le repos. Les femmes résistaient mieux que les hommes ; celles qui avaient perdu leurs enfants dans le marécage hurlaient comme des louves ; toutes sentaient sinistrement la déchéance de la race et les lendemains lourds ; quelques-unes, ayant sauvé leurs petits, les élevaient vers les nuages.
    Faouhm, dans la lumière neuve, dénombra sa tribu, à l’aide de ses doigts et de rameaux. Chaque rameau représentait les doigts des deux mains. Il dénombrait mal ; il vit cependant qu’il restait quatre rameaux de guerriers, plus de six rameaux de femmes, environ trois rameaux d’enfants, quelques vieillards.
    Et le vieux Goûn, qui comptait mieux que tous les autres, dit qu’il ne demeurait pas un homme sur cinq, une femme sur trois et un enfant sur un rameau. Alors ceux qui veillaient sentirent l’immensité du désastre. Ils connurent que leur descendance était menacée dans sa source et que les forces du monde devenaient plus formidables : ils allaient rôder, chétifs et nus, sur la terre.
    Malgré sa force, Faouhm désespéra. Il ne se fiait plus à sa stature ni à ses bras énormes ; sa grande face où s’aggloméraient des poils durs, ses yeux, jaunes comme ceux des léopards, montraient une lassitude écrasante ; il considérait les blessures que lui avaient faites la lance et la flèche ennemies ; il buvait par intervalles, à l’avant du bras, le sang qui coulait encore.
    Comme tous les vaincus, il évoquait le moment où il avait failli vaincre. Les Oulhamr se précipitaient pour le carnage ; lui, Faouhm, crevait les têtes sous sa massue. On allait anéantir les hommes, enlever les femmes, tuer le Feu ennemi,
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