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La Guerre Des Amoureuses

La Guerre Des Amoureuses

Titel: La Guerre Des Amoureuses
Autoren: Jean (d) Aillon
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Isabella, toujours le couteau à la main.
    — Comme le jambon ! confirma-t-il, avec
un air abruti, en essayant de l’enlacer.
    — La vérole vous étouffe ! cria
Zerbinette, alors que le Dottore, qui tentait de la calmer, recevait un violent
coup de pied qui l’envoyait rouler et faisait éclater la salle en hurlements de
rire.
    — Retiens-moi, Spavento, ou je l’estrancine !
vociféra Isabella en brandissant le couteau.
    — Paillasse pourrie ! répliqua l’autre
en s’efforçant de retenir un fou rire involontaire.
    — Prends ça et crève !
    Isabella envoya un coup de couteau à
Zerbinette qui resta un instant paralysée, stupéfaite, avant de s’écrouler, le
ventre ensanglanté.
    À la vue du sang, l’assistance resta figée
tandis qu’un murmure horrifié s’étendait. Ce sang ne devait pas être prévu dans
la comédie, car Isabella, lâchant le couteau rougi, s’agenouilla devant
Zerbinette et la prit dans ses bras.
    — Gabriella ? Qu’as-tu ? balbutia-t-elle,
désemparée, alors que ses vêtements s’empourpraient peu à peu.
    — Je… je meurs… râla la pauvre femme.
    À l’instant où l’affreuse tache rouge était
apparue sur la robe de Zerbinette, le marquis de Gonzague s’était dressé, ainsi
que le vice-podestat et le chancelier. Les femmes se mirent presque aussitôt à
hurler de terreur, tout en ne perdant rien de ce qui se passait. On les fit
rapidement sortir tandis que le camérier du marquis allait chercher le médecin
de la Cour.
    Tous les comédiens étaient restés pétrifiés à
la place qu’ils occupaient au moment où Isabella avait poignardé Zerbinette. Le
marquis de Gonzague, suivi du vice-podestat et du chancelier, monta sur la
scène pour s’approcher de la victime. Le marquis boitillait, gêné par une crise
de goutte et d’arthrose.
    — Vous… vous l’avez tuée ? bafouilla
le chancelier en s’adressant à Isabella.
    — Ce n’est pas possible ! intervint
Spavento, qui s’était approché lui aussi pour tenter de comprendre. La lame est
factice, elle coulisse dans le manche !
    Le vice-podestat Beltramino Crema lui fit
signe de reculer ainsi qu’aux autres comédiens.
    Jusqu’au début du XIV e siècle, Mantoue, commune libre ayant pour suzerain l’empereur d’Allemagne,
avait été gouvernée par un podestat choisi par le conseil de la ville pour exercer
les pouvoirs administratifs et judiciaires. En 1318, le podestat Gonzague était
devenu seigneur de Mantoue et avait transformé sa charge en marquisat. Depuis, il
nommait par lettre patente un vice-podestat qui assurait les fonctions
judiciaires et celles de police.
    Beltramino Crema était un homme massif, à la
taille de colosse et au visage carré ceinturé d’une épaisse barbe. Ayant montré
son autorité à la troupe, il se baissa pour ramasser le couteau toujours sur la
scène. La lame était rouge et il la nettoya sur la robe de la victime avant d’en
appuyer l’extrémité sur la paume de sa main gauche. Elle glissa légèrement dans
le manche, mais de moins d’un quart de pouce. Il en passa le fil sur son index.
C’était une lame en acier particulièrement aiguisée et tranchante. L’arme n’était
pas truquée. Il la tendit au marquis qui la prit avec dégoût.
    — Factice ? Vous vous moquez, maître
Andreini ! gronda Crema.
    Le marquis restait silencieux, s’efforçant de
dominer sa colère. Il examinait la lame encore rouge en songeant que l’anniversaire
de son épouse était gâché. Quelle idée avait-il eu d’inviter les Gelosi ?
    Âgé d’une cinquantaine d’années, Guglielmo Gonzaga
portait une moustache et une courte barbe en pointe. Ses cheveux blonds, courts
et légèrement frisés, encadraient avec douceur un visage poupin et rêveur, au
front haut et au nez aquilin. Légèrement bossu, il se destinait à la prêtrise
et n’était devenu marquis qu’après la mort de son frère aîné. Mécène généreux, mais
exigeant, Guglielmo avait un caractère sévère et intransigeant. Passionné d’arts
et de musique – il avait même composé quelques œuvres austères – il détestait
le désordre. Élevé dans l’Ordre de la Toison d’or par son beau-père, l’empereur
d’Allemagne, il en arborait ce soir-là le collier pour afficher sa dignité.
    — Madame, levez-vous, ordonna-t-il d’une
voix sans chaleur à Isabella, toujours agenouillée devant sa victime.
    Il tourna la tête en entendant des gens entrer
dans la salle.
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