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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu
Autoren: Ann Featherstone
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C’était un spectacle touchant. J’aurais pu le rappeler, mais je ne l’ai pas fait et me suis contenté d’observer mon fidèle ami du coin de l’œil. Une main caressant ses oreilles soyeuses sans trop prêter attention, voilà tous les encouragements dont Brutus avait besoin pour s’enhardir, et il s’est couché aux pieds de Trim, comme s’ils étaient copains, venus là ensemble.
    Faire ainsi l’objet d’une telle démonstration touche la plupart des gens, et il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas être ému par les avances simples d’une créature aussi innocente. Brutus est donc resté là, et Trim s’est remis à la tâche, avec un pauvre bout de crayon et force soupirs. Mon compagnon s’est mis à ronfler, étendu devant son nouvel ami, et il y serait resté toute la journée si Néron ne s’était pas relevé, étiré, avant de tourner vers moi sa bonne vieille tête pleine de sagesse en me lançant ce que j’appelle son « regard interrogateur ». Bien sûr, il avait raison – nous partons toujours pour l’Aquarium à neuf heures et demie – et il était prêt, même si je me demande bien comment il peut connaître l’heure. Trimmer s’est lui aussi redressé, et comme Brutus avait à nouveau posé la tête sur sa jambe, il la lui a gratouillée de la pointe de son crayon, tout en le caressant. J’ai rappelé mes chiens, ai salué Trim (il n’a pas répondu, mais m’a jeté un vague regard) et nous sommes partis au travail.
    C’était notre première rencontre, à Trimmer et moi, après on s’est souvent retrouvés chez Garraway , et Brutus, qui n’avait plus besoin d’introduction, le cherchait chaque matin. Mon nouvel ami n’était pas toujours là, et j’ai vite compris que son petit déjeuner dépendait de l’état de son porte-monnaie. Parfois, des semaines s’écoulaient sans que je le voie : je suppose qu’il était alors en période de vaches maigres. Quand il venait et commandait seulement un café et une tartine, c’est que l’argent était rare. Mais quand il s’accordait un festin de roi, avec café, pain et bacon, qu’il m’invitait à sa table avec mes compagnons à quatre pattes, alors c’est qu’il avait vendu une histoire ou placé sa dernière pièce chez un directeur de théâtre.
    « Hé, Chapman, Bob, venez donc par ici ! Et vous, lançait-il au garçon, préparez donc la place pour mon ami. »
    Apparaissait alors une nappe blanche comme neige et Trimmer, souriant et généreux, faisait fête à l’humble repas de chez Garraway en rotant de contentement. Brutus et Néron n’étaient pas oubliés, car on leur servait à eux aussi du pain et du bacon, ainsi que des morceaux mis de côté par le cuisinier pour le vendeur de viande à chat, au point que j’en venais à craindre l’indigestion. Rassasiés, on fumait une pipe, et c’est dans ces moments d’intimité que Trim me parlait de ses travaux pour Barnard et les théâtres, ce qui semblait le forcer à brûler toute la nuit durant des chandelles à six pence. En effet, ces messieurs de chez Barnard se montraient voraces, disait-il, ils voulaient une histoire par semaine, si possible ! Mais il devait aussi se consacrer à son œuvre dramatique, et c’était un équilibre difficile à tenir. Il y avait dans le monde de l’écriture des périodes de vaches maigres et des périodes de vaches grasses, tout comme dans le monde du spectacle, et il ne pouvait faire faux bond ni à l’un ni à l’autre.
    Un matin, alors que nous prenions un modeste repas (l’aiguille oscillait encore à la limite de « Pluie et vent » pour chacun de nous), Trim songeait à haute voix à ses perspectives, une fois encore. Il venait de terminer une pièce, Elenore, la femme pirate ou L’Or du roi de la montagne , pour Mr Carrier, le directeur du Pavilion, ainsi qu’une histoire, La Fiancée du vautour ou les Aventures de Fanny Campbell, terreur des hautes mers , pour le journal de Barnard.
    « Je sais bien ce que tu penses, Bob, a-t-il dit en souriant. Ça fait bien trop de femmes pirates ! Mais, tu sais, c’est tout à fait à la mode, et moi je veux qu’elle coule de ma plume, la mode. Je me moque bien qu’il s’agisse d’un mélodrame orageux pour le Pavilion, ou d’une romance sanglante pour le vieux Barnard. J’ai eu quelques petits succès de part et d’autre, avec les bandits gentlemen, par exemple. Mon roman de poche, Le Bandit noir ou Roderick, chevalier de la
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