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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu
Autoren: Ann Featherstone
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cafés ont accueilli leur quota de spectateurs payants : chaque fenêtre, chaque porte qui offre une vue sur la place est occupée. À présent, pour ne pas manquer une miette du spectacle, les nouveaux arrivants grimpent aux arbres, aux poteaux, aux murs. Un jeune homme frêle, avec une touffe de cheveux orange, tête-de-loup humaine, a escaladé la gouttière pour se hisser jusqu’au toit d’une demeure privée et, malgré les efforts du propriétaire pour l’en déloger, s’est perché dos à la cheminée, perclus de froid, mais déterminé à ne rien rater.
    Barney voit tout ça. Mais ne prête attention à rien. Il se laisse emporter par la foule, plonge parmi la presse des corps, déterminé à s’approcher au plus près. De hautes carrures se dressent devant lui tels des remparts, et bien qu’il se tortille, cherche à s’extirper de la forêt de jambes, encaisse des coups de poing, de coude, de pied, il se retrouve coincé entre un homme de haute stature en costume noir (peut-être un employé des pompes funèbres) et un ramoneur, vêtu de sombre lui aussi, en route pour le travail. Par chance, aucun d’eux n’est enclin à la conversation et ils sont bien déterminés à conserver leur place, ce qui permet à l’enfant de garder la sienne. Ils font par ailleurs un contraste saisissant avec le carnaval débridé qui se bouscule autour d’eux, qui braille, s’exclame, avec une telle joie que les vendeurs de tourtes et de pains d’épices n’ont guère besoin de crier : « C’est tout chaud ! » ou encore « Pain d’épices, mam’zelle ! En boule ou en bonhomme ! »
    Mais il ne s’agit pas d’une foire, et même Toby Rackstraw, qui est monté de sa campagne pour éprouver l’atmosphère de la ville, ne peut confondre le rugissement de cette foule-là avec celui de festivités bon enfant. Non, c’est tout à fait autre chose. Voici une congrégation rassemblée là pour adorer non pas un saint blafard, mais une corde et un gibet, et tandis que le flot humain emplit la place, les rues alentour, il s’en élève une rumeur, tel un catéchisme, annonçant chaque moment à mesure qu’avancent les aiguilles des horloges aux clochers environnants.
    On s’affaire autour de la potence. Des policiers repoussent les badauds en dehors d’un périmètre de contrôle, surveillant les vide-goussets, sans prêter attention aux provocations des garçons, en première ligne sur cinq rangées. Le grondement des voitures (les portes de la prison sont toutes proches) signale l’arrivée des membres officiels, alors la masse fait un bond en avant pour mieux les voir. Des vagues d’informations remontent vers l’arrière : « C’est le shérif ! », « C’est le juge ! », « Pas le pasteur, car il a passé sa dernière heure avec lui ! »
    Après sept heures, les cloches sonnent, raffermissent le moral du public qui, malgré une forte pluie, reste d’humeur festive, oscille d’un côté, de l’autre, tandis que des vagues de rire fluent et refluent. Le garçon sent la presse puissante dans son dos, jette un coup d’œil anxieux derrière lui, mais ses robustes compagnons ne bougent pas d’un pouce – ils n’ont pas dit un mot depuis deux heures ; le ramoneur mâchonne un bout de gras de bacon et une fois seulement il a bu une longue lampée d’une bouteille en grès rangée dans son sac.
    Enfin, l’horloge sonne huit heures et, sans ciller, les yeux de l’enfant se fixent sur la porte.
    Une porte si petite.
    Quand elle s’ouvre, quel changement parmi la foule folâtre ! L’hilarité tremble, la bonne humeur se délite, et s’élève un hideux murmure de satisfaction à mesure que l’échafaud se peuple, jusqu’à l’apparition du dernier acteur, le plus attendu, qui fait s’abattre un silence terrible. Il est petit, frêle, titube un peu, soutenu par l’une des personnes présentes, vers laquelle il se tourne pour remercier, pour s’apercevoir au dernier moment que ce monsieur délicat, aux allures de drapier, s’apprête à l’envoyer dans un monde meilleur. Lui prenant le coude, il le dirige vers la grande chaîne noire qui pend à la potence, alors, depuis cet endroit le plus solitaire au monde, le condamné se tourne vers le public. Il ne distingue aucun visage, à mesure que son regard balaie la masse attentive, dont tous les yeux sont braqués sur lui. Dans un souffle, le garçon se dresse sur la pointe des pieds, sa figure dirigée tel un phare vers cet
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