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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer
Autoren: Serge Brussolo
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l’accessoire qui se décolle… On est constamment à la merci d’un accident qui détruirait l’illusion.
    Wallah se demande souvent si les barons échauffés par les libations sont dupes de la mascarade ou si, tacitement, ils se font complices du jeu, s’amusant des cris horrifiés des dames. Elle n’a jamais réussi à le déterminer. Ils peuvent parfois se montrer si crédules ! Entraînés depuis l’âge de cinq ans à manier l’épée, à dormir dans la paille avec les chiens, à mépriser douleur et fatigue, ils ne connaissent que la guerre et ignorent tout du vaste univers qui commence au-delà de leurs terres. Seuls ceux qui sont allés à la croisade ont vu autre chose, mais tout le monde n’est pas parti en Terre Sainte, loin de là, car le voyage coûte cher. C’est pour cette raison que les hommes d’Église ne se privent pas de les effrayer avec des images infernales de diables cornus. Un prêtre habile peut facilement tirer les ficelles de ces têtes brûlées en les menaçant de la géhenne. Et Dieu sait que l’Église ne manque point de marionnettistes tonsurés !
     
    Enfin, l’escorte armée se présente. Trois hommes en cotte de mailles, portant flambeaux et rapières. Ils escortent les chariots jusqu’au château. En passant le pont-levis, les roues produisent un bruit de tonnerre. Ça y est, on est de l’autre côté des murailles : en cas de malheur la retraite sera impossible et la justice vite rendue.
    Descendant de la carriole, Wallah aperçoit deux pendus qui achèvent de semer leurs lambeaux sur le chemin de ronde et fournissent pitance aux corbeaux. Malvers de Ponsarrat a droit de haute et basse justice sur ses terres ; il en use sans économie.
    « Peut-être aurait-il mieux valu éviter cette foire… »
    Le pressentiment s’attarde en grosse boule dans l’estomac pourtant vide de la jeune fille. Elle songe aux prêtres qui sont venus examiner l’homme tombé de la lune, avec leur vilaine figure qui semble sculptée dans un cierge. Leur bouche rectiligne et fine telle la cicatrice d’un coup de couteau. Des hommes mal faits pour la joie, mal faits pour la vie ; qui parlent d’amour du prochain mais multiplient les bûchers…
     
    Des valets en livrée prennent le relais des soldats et guident les bateleurs à travers un dédale de corridors et d’escaliers étroits. C’est un moment délicat pour les « monstres » dont les déguisements peuvent se décoller sous l’effort. Il faudra les passer en revue une fois en haut, juste avant la parade.
    Les clameurs du banquet emplissent l’air. Rires, propos obscènes et puérils, vantardises, gargouillis d’ivrognes, pets sonores, crécelles des gloussements féminins, cris de souris des filles chatouillées… Et puis l’odeur des viandes rôties, des vins épais qu’on commence par couper avec de l’eau au début du repas, et qu’on finit par avaler purs jusqu’à ce que la tête vous éclate. Sous les tables, les chiens s’en donnent à cœur joie, broyant les os qu’on leur jette à la volée. Incapables de marcher, les hommes pissent derrière les colonnes ou au coin de la cheminée. Malvers de Ponsarrat trône au bout de la table constituée de simples panneaux de bois posés sur des tréteaux. Sur les dalles, on a étalé des brassées de fleurs coupées dans l’espoir d’assainir l’atmosphère ; peine perdue. Malvers est vieux – plus de quarante années d’existence –, c’est un guerrier. Il se morfond dans cette paix qui l’appauvrit chaque jour un peu plus. Sans bonne guerre, pas de pillage, donc pas de butin. La paix c’est l’ennui, les distractions, les fêtes, la dépense… le trésor qui se dilapide en amusements stériles. Finalement, chaque banquet éveille sa mauvaise humeur car il en arrive toujours à compter combien d’or ces réjouissances lui coûtent. Alors il boit, et plus il boit plus il devient irascible. La parade va donc se dérouler au plus mauvais moment, quand Malvers de Ponsarrat guette le moindre prétexte pour éclater en imprécations.
    Tout à coup, Wallah réalise à quel point les déguisements des frimants sont sommaires, trop extravagants. Bézélios a voulu éblouir, il a exagéré . La mère Javotte et ses filles procèdent aux raccords. On badigeonne de colle l’homme-poisson dont le costume d’écailles vernissées plisse au creux des genoux.
    Un valet, goguenard, passe la tête dans l’entrebâillement d’une tenture et ricane à ce
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