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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer
Autoren: Serge Brussolo
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debout.
    Elle renifle sa main droite pour s’assurer qu’elle n’empeste pas la viande corrompue.
    « Si je suis morte, se dit-elle, Gunar viendra me chercher. »
    Cette pensée la rassure, et elle regarde par-dessus son épaule pour voir si son père ne se tient pas sur le seuil de l’auberge, jeune et souriant. Elle sait qu’il n’entrera pas mais lui fera signe de le suivre, d’un geste nonchalant. Elle obéira, car avec lui elle ne sera plus seule. Ils s’en iront vers la lumière, vers le bifröst, l’arc-en-ciel qui mène aux territoires du ciel, là où règne Odin le borgne, le seigneur des corbeaux.
    Une douleur la fait sursauter. Javotte vient de lui pincer le gras du bras.
    — Hé, la belle ! souffle la grosse putain, faut te secouer, t’as l’air d’un cadavre.
    Mahaut et Mariotte pouffent d’un rire nerveux.
     
    Le repas terminé, ils se mettent en quête d’un moyen de transport. Un muletier accepte de leur céder deux bourriques et une carriole pour un prix raisonnable.
    Bézélios s’applique à masquer son désespoir. Ils ont tout perdu dans l’aventure : costumes, instruments de musique, décors peints, accessoires. Les voilà condamnés à repartir de zéro, sans même un chien savant à exhiber. Que vont-ils devenir ? Bien sûr, Mariotte et Mahaut pourront toujours racoler entre deux numéros de danse, mais cela ne remplira guère la cassette de la troupe.
    — Il nous faut un fifre, des tambourins, énumère-t-il. Du voile transparent pour coudre des costumes exotiques. Courez les échoppes, essayez de rassembler de quoi monter un numéro acceptable. Je vais tâcher de réfléchir à une bonne pantomime égrillarde qui fera frétiller la saucisse des paysans dans leurs hauts-de-chausses.
    Wallah partage les dernières piécettes que contient sa bourse. Elle se sent engourdie, absente. Si peu concernée…
     
    Un peu plus tard, apercevant son reflet dans le miroir d’acier poli d’une marchande de ruban, elle se fait la réflexion qu’elle a vieilli. Elle compte les flèches qu’elle a tirées. Quatre… Elle a donc presque vingt ans aujourd’hui. Quatre années lui ont été volées. Le prix de la magie. Elle hausse les épaules. Elle le savait, il n’y a pas à pleurnicher là-dessus.
    Ils occupent l’après-midi à rassembler le matériel exigé par le maître forain. Mais le bourg n’a rien d’une grande ville, et ils doivent courir de boutique en boutique à la recherche d’accessoires inconnus des villageois.
    Alors qu’elle quitte bredouille l’antre d’un artisan, Wallah se heurte à un jeune homme en livrée de page. Elle veut le contourner mais l’inconnu lui saisit le poignet.
    — Ah ! souffle-t-il, te voilà enfin, la garce ! J’ai eu un mal fou à retrouver ta trace. Mon maître t’attend, il a besoin de toi. J’ai là un cheval pour toi. Nous devons partir sur-le-champ.
    — Et qui est ton maître ? s’étonne Wallah.
    — Le baron Malvers de Ponsarrat. Je ne sais pas ce qu’il te veut. Il a dit que tu comprendrais. Il a simplement ajouté : « Qu’elle n’oublie pas son arc. »
    *
    Une semaine plus tard, en parcourant les ruines de leurs chaumières, les survivants du hameau de Vergagnac firent une étrange découverte.
    Au milieu des corps broyés par l’avalanche gisait une créature dont l’apparence fit pousser des cris d’épouvante à ceux qui la dégagèrent de la boue.
    Il s’agissait d’un homme de haute taille, nanti de deux têtes auréolées d’une crinière jaune ; l’une d’apparence normale, l’autre, enfantine, déportée sur l’épaule gauche, et franchement hideuse. Si laide que l’un des témoins n’hésita pas à la comparer au mufle d’une gargouille.
     
    L’homme-gargouille, couvert d’ecchymoses, était mort l’échine brisée. On supposa que l’avalanche l’avait délogé de sa cachette pour l’emporter dans son tumulte.
    Confrontés à cette vérité, les paysans baissèrent le nez, penauds. Ils venaient de comprendre qu’ils contemplaient la dépouille du « dévoreur ».
    — C’était donc lui qui tuait nos filles, murmura le gros Guillaume. Dire que nous accusions notre pauvre baron… J’ai honte. Par le Christ, comme j’ai honte d’avoir maudit mille fois le nom des Bregannog.
    Tous les hommes présents partageaient ce sentiment. Écrasés par le poids de leur erreur, ils n’osaient échanger le moindre regard.
    Modo, le plus vieux des survivants, s’agenouilla
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