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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer
Autoren: Serge Brussolo
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flancs. Les chiens se replient en gémissant. Le maître a tous les droits, même celui de manger le garou avant eux si c’est son désir.
    Sur le dallage, l’acteur se tord de douleur, s’empoignant la jambe à deux mains pour tenter d’arrêter l’hémorragie.
    — Voilà un cochon bien saigné ! ricane Ponsarrat. C’est le moment de le faire rôtir !
    Et, s’emparant d’un flambeau, il en promène la flamme sur le costume du malheureux. La colle s’embrase aussitôt, de même que le poil raidi par les teintures et le suif. Le garou, suffoqué de souffrance, se tortille sur le pavé. Le voilà à quatre pattes, courant en cercle dans l’espace délimité par les tables. Les flammes dessinent une crête jaune sur son échine. Les chevaliers en pissent de rire.
    — Suffit ! commande Malvers. Éteignez-moi ce cochon, il pue trop à mon goût !
    Les serviteurs empoignent les jarres de vin et d’eau pour en renverser le contenu sur l’homme-loup. Sur le dallage, le sang se délaye. Le blessé s’effondre, râlant, enveloppé d’une fumée âcre.
    Ponsarrat se tourne alors vers Bézélios et l’empoigne par le pectoral qui orne sa robe de cérémonie.
    — Tu as essayé de nous berner, vieille canaille, grogne-t-il, mais il te sera pardonné parce que tu nous as bien fait rire. À présent fiche le camp. Tu ne seras pas payé mais je te laisse la vie sauve : c’est déjà, à mes yeux, une trop large récompense. Allez ! File ! Et emmène ton carnaval avec toi !
    Les frimants refluent en désordre, traînant le corps de leur camarade, tandis que les chevaliers et les dames les bombardent des reliefs du banquet : os, bouts de viande, trognons de pommes.
    Broucolaques et poulpiquets 2 de pacotille s’enfuient, vaincus, hagards.
    C’est sous les quolibets des hommes d’armes et des valets qu’ils passent la porte du château.
    1 - Peau de poisson, qu’on nommera plus tard galuchat.

    2 - Vampires et assimilés.

3
    Le garou s’appelait Antonin ; il n’en reste plus grand-chose. Il avait quinze ans quand Bézélios l’a recueilli mendiant sur le parvis d’une église.
    On l’a posé sur la table à tréteaux qui sert à l’élaboration des costumes « monstrueux ». Le feu a soudé de manière indissociable le déguisement à la chair du blessé ; si bien que dans la mort Antonin sera réellement changé en homme-loup.
    Il fait nuit, le silence pèse sur la foire, seulement troublé par les râles de celui qui agonise. Bézélios, afin de soulager ses souffrances, lui a fait absorber un certain élixir arabe qui possède la vertu d’engourdir le corps.
    — Il a eu de la chance dans son malheur, commente le maître, au moins les flammes ont cautérisé les veines du mollet. Il aurait pu se vider de son sang.
    « Piètre consolation », songe Wallah qui, comme les autres, scrute la silhouette noirâtre gisant sur la table.
    Soudain, Antonin ouvre les yeux et toute l’assemblée sursaute.
    — J’veux point mourir comme ça, halète-t-il, déguisé en bestiau infernal… Enlevez-moi c’t’horreur. Appelez un prêtre… J’veux me confesser… J’veux partir en règle… me laver de toutes les saletés que vous m’avez forcé à faire.
    La gêne de Bézélios est évidente. La mère Javotte pleurniche et se penche sur le mourant.
    — Mais personne ne viendra, mon petit gars, murmure-t-elle. Tu sais bien que les ratichons détestent les gens comme nous.
    — M’en fous… je veux un curé…, insiste Antonin.
    Cette obstination finit par irriter Bézélios.
    Alors que Wallah esquisse un pas vers la sortie pour courir à l’église, il l’empoigne par le bras et l’attire à l’écart.
    — Pas question, siffle-t-il. Je ne veux pas qu’un prêtre le voie comme ça, à moitié cuit dans sa peau de loup ! Il croirait qu’il s’agit réellement d’un garou et nous finirions sur le bûcher. Je ne pense pas que c’est ce que tu souhaites ?
    La jeune fille cède. Bézélios n’a pas tort, il convient de se méfier de ces fanatiques en robe noire qui voient le diable partout. Elle est triste pour Antonin. Bézélios, lui, ravale sa colère. Mauvaise soirée ! Un costume fichu, et aucun salaire. Il n’a pas connu une telle guigne depuis longtemps.
    Il s’en veut d’avoir accepté l’invitation de Ponsarrat en dépit de la mauvaise réputation du seigneur. Il aurait dû se méfier, flairer le piège, mais les succès répétés des derniers mois l’avaient
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