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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer
Autoren: Serge Brussolo
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sort et déterminé si, dans cette affaire, tu as seulement été abusé ou si, au contraire, tu es complice de spagirie et autres maléfices. N’essaye pas de fuir, ce serait signer ton arrêt de mort.
    Ils s’en vont, les hommes en froc noir drapés dans leur dignité, les soldats poussant la cage qui cahote sur la route du château.
    Wallah sent les yeux du singe fixés sur elle. Il semble se demander pourquoi elle n’est pas intervenue en sa faveur. Il y a de la détresse et de la colère dans son expression… mais sans doute imagine-t-elle tout cela ?
     
    Après le départ des robes noires le silence s’installe, troublé par les chuchotements en provenance des groupes de forains qui ont dressé leurs baraques aux alentours. Bézélios se laisse choir sur un ballot de paille comme s’il n’avait plus une goutte de sang dans le corps. Le voilà soudain aussi pâle que les ratichons. Javotte et ses filles sanglotent en déchirant leur fichu. Les frimants se rongent les ongles, s’imaginant déjà badigeonnés de soufre et hissés au sommet d’un amoncellement de fagots.
    — C’est le baron, murmure enfin Bézélios, il se venge… C’est lui qui nous a dépêché ces corbeaux de malheur.
     
    Gros-Nez, La Fouillette, Petit-Berlot et le reste des frimants se concertent en chuchotant. Peu à peu les langues se délient : faut-il prendre la fuite ? gagner la forêt, et de là les montagnes ?
    — Ce serait servir la soupe à Ponsarrat, soupire Bézélios. Il lancerait sa meute à nos trousses. Les chiens nous mettraient en pièces. Mieux vaut attendre. Avec de la chance, le tribunal se contentera du Sélénite.
    Wallah est révoltée, elle tente de protester mais nul ne lui prête l’oreille. Chacun essaye de se rassurer en évoquant d’autres procès d’animaux coupables d’envoûtement, et au terme desquels chats, chiens, ânes ou cochons ont été brûlés vifs.
    — Les prêtres détestent les matous, souligne doctement Javotte, à cause de leurs oreilles pointues qui évoquent des cornes diaboliques. Il en va de même pour les lièvres qui sont tenus par certains en grande suspicion.
    Personne ne sait quelle attitude adopter. Jacquot La Grogne, l’un des frimants, propose de brûler les déguisements afin d’anéantir les preuves du délit. Petit-Berlot proteste, avançant qu’au contraire ces postiches prouveront le cas échéant qu’on est en présence d’une simple mascarade et non pas d’une métamorphose d’essence satanique. On pèse le pour, le contre. Avec les curés, difficile de savoir…
    Javotte, afin de détendre l’atmosphère, prépare du vin chaud poivré dont on fait circuler des gobelets. Wallah en profite pour porter le sien à son père. Gunar va mieux. Il écoute le récit que lui fait sa fille en hochant la tête.
    — Cela devait arriver, soupire-t-il. Il y a trop longtemps que Bézélios tente le diable. Tout est à craindre de la part de ces moines qui sont, pour la plupart, d’une bêtise et d’une ignorance crasses. Des fanatiques qui voient Satan partout, et se grisent du pouvoir qui leur est donné de terroriser les populations.
    Wallah pense au pauvre Sélénite. Elle voudrait se rendre au tribunal, parler en sa faveur… mais l’écouterait-on ? Elle n’est qu’une fille, et les filles – on le sait – sont plus que toutes les autres créatures de Dieu vulnérables aux envoûtements. Cela tient à ce qu’elles restent des enfants toute leur vie et ne jouissent pas des capacités réflexives que Notre Seigneur a accordées aux hommes, en sa grande sagesse. De là leur devoir de soumission et d’effacement. Par ailleurs, en raison de leur complexion anatomique, elles sont réputées « creuses », ce qui permet au diable de s’introduire facilement en elles et d’y établir son logis.
    Oui, Wallah sait qu’au tribunal elle parlerait en vain. Peut-être même finirait-on par la considérer comme suspecte ?
    Gunar, comme s’il avait lu dans les pensées de sa fille, lui saisit le poignet.
    — Ne fais pas d’imprudence, souffle-t-il. Nous ne sommes pas chez nous, ici. Ton visage est celui d’une femme du Nord, les prêtres ne te le pardonneront pas. De notre civilisation, ils n’ont retenu que le drakkar , le dragon qui servait de figure de proue à nos navires. Un dragon… ou plutôt un serpent. Le serpent de la Genèse… autrement dit le diable. C’est à cheval sur le dos de ce serpent que nos ancêtres sont venus piller leurs
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