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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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incohérence ne ferait que d é douaner
les autorités, et tout continuerait comme avant. Elle rentra
au carbet, effondrée de son manque de responsabilité.
    Ses
craintes se confirmèrent. Le lendemain, un surveillant vint
lui apprendre que le directeur avait fait diligence. Cinq bagnards
avaient été jugés et condamnés.
    — Qui
sont ces hommes ? demanda-t-elle.
    Il
lui tendit une liste de noms. Elle n'en reconnut qu'un seul. Isidore
Hespel, dit le Chacal
    — Pourquoi
lui ? fit -elle.
    — Ils
cherchaient l'occasion de s'en débarrasser, il fallait changer
de bourreau.
    — Que
va-t-il se passer pour eux ?
    Il
passa son pouce sur le travers de sa gorge d'un geste vif, comme le
ferait le tranchant d'une lame.
    — La
guillotine.
    Elle
eut du mal à maîtriser un haut-le-cœur.
    — Ne
vous en faites pas, ma mère, c'étaient des moins que
rien, ils finiront aux requins et ce n'est pas moi qui les
regre t terai,
surtout le Chacal, ça fait on moment qu'il
aurait dû y passer, celui-là, avec tous ceux qu'il a
zigouillés.
    — Bien,
merci, l'interrompit-elle, pressée d'en finir. Mais, alors
qu'il repartait, un autre messager arriva, de l'hôpital cette
fois. Il a n nonça
de but en blanc que le jeune médecin, Romain Gilot, n'avait
pas survécu. Le médecin-chef aurait voulu venir
lui-même, mais c'était impossible, il opérait.
Sonnée par la nouvelle, la mère supérieure
r e ferma
la porte du carbet, laissant ses interlocuteurs à l'ext é rieur.
    Elle
resta là un
moment, les yeux fermés, appuyée contre la porte. Puis
d'un pas lourd elle se dirigea rets le Christ qu'elle avait accroché
au mur du carbet dès le premier jour et devant lequel elle
faisait s'ag e nouiller
deux fois par jour les bagnardes. Sans un mot, elle d é noua
les liens qui maintenaient autour de son visage sa cornette blanche,
puis elle la plia et alla la ranger dans le coffre sous son lit.
Ensuite elle noua sur ses cheveux un simple foulard de coton et, se
tournant vers les femmes qui avaient du mal à comprendre,
elle dit :
    — Puisqu'ici
rien ne dure, à quoi bon vouloir tout garder...
    Marie
et les autres n'eurent pas le temps de lui poser la moindre question.
Elle avait déjà quitté le carbet Quand elle se
retrouva dehors, la mère supérieure dut se faire
vi o lence
pour ne pas courir extirper la cornette de dessous le lit et se
couvrir à nouveau. Cette tête à l'air,
sans rien pour la protéger, c'était te l lement
effrayant ! Elle se sentait nue, se trouvait indécente. Mais
elle était décidée à ne plus r e venir
en arrière et à plonger
dans le réel. Il fit son apparition en la pe r sonne
de Charlie qui se dirigeait d'un pas tranquille vers la case du
Chinois, comme to u jours
Comme l'avait prévu la mère supérieure, la
triste vie de Saint-Laurent poursuivait son cours, et le Chacal, qui
allait payer la note pour les crimes commis sur les femmes, n'était
peut-être pas le pire. Cette pensée lui souleva le cœur.
Ce qui la perturbait le plus, c'est que cet homme qu'elle envoyait à la
guillotine, était finalement celui qu'elle comprenait le
mieux. Le Chacal affichait nettement ce qu'il était. Il avait
choisi le mal avec une étonnante lucidité. Il ne
dissim u lait
rien. Il allait mourir par la lame qu'il avait si souvent aiguisée
pour les autres. Il méritait un châtiment, certes.
Moins, pensait-elle, que ce Charlie qui paradait dans les rues comme
si de rien n'était. Charlie était un dissimulateur, il
cachait des perversions repoussantes et tr a hissait
tout et tout le monde dès que le moindre danger pointait à l'h o rizon.
Il était tout ce que la mère supérieure
haïssait. Un homme sans courage et sans fierté. Un être
vi s queux,
armé d'une vague séduction dont il usait jusqu 'à la
lie. Encore une fois, il avait réussi à passer
entre les gouttes, s'agrippant à la
moindre occasion, se faufilant
entre ses trahisons successives et ses misérables lâchetés.
À le voir ainsi imp u ni,
elle en oublia sa cornette disparue et s'avança vers lui. Il
se hâta, cherchant à fuir.
Mais il ne put lui échapper.
    — Vous
vous souvenez de moi ? demanda-t-elle.
    — Euh...
fit-il, décontenancé.
    — C'est
moi qui vous ai donné Marie en mariage au kiosque.
    Il
regardait de tous côtés telle une bête traquée,
ne compr e nant
pas où cette femme voulait en venir.
    — Des
hommes vont mourir ce soir, dit-elle en tentant de fixer son regard
fuyant. Peut-être méritent-ils cette mort, peut-être
pas.
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