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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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apparemment insignifiante mais devant
laquelle tous s'écartaient. Charlie le premier qui, lor s qu'il
les vit revenir disparut précipitamment comme s'il avait vu le
diable.
    Marie
était passée entre des mains si violentes qu'elle
s'était crue anéantie à jamais. Avec cette
femme, elle eut le sentiment qu'elle t e nait
un espoir. Et même mieux, une arme. Parce que cette femme était
là, à ses côtés, elle eut le courage de
tout raconter à la mère sup é rieure.
Elle se libéra. Il pouvait tout arriver, désormais,
elle dit tout sans rien omettre, avec des d é tails
sur tout ce qu'elle avait vu, vécu et entendu depuis que
Charlie l'avait emmenée. Elle fut i n tarissable.
Elle se vida de tout son mal et de toutes ses terreurs. Pas une seule
seconde la mère supérieure ne douta de la véracité
de son récit. Trop d'intu i tions
l'avaient mise sur la voie. L'humanité lui apparut mon s trueuse
et en elle le chaos fut immense.
    Saisie,
la femme du directeur avait pris la main de Marie et son r e gard
égaré retrouvait au fur et à mesure
le chemin de la réalité. Elle approuvait de la tête
chaque parole prononcée, quittant petit à petit le
monde de rêve dans lequel elle semblait s'être à
jamais réfugiée. Et quand enfin Marie eut tout dit,
elle fut la première à parler.
    — Comment
cela est-il possible? dit-elle. Qu'allons-nous faire ?
    Marie
ne s'attendait pas à une réaction aussi spont a née
de la part de cette femme que rien ne destinait à croiser son
chemin de bagnarde. Or, non seulement la compassion de cette dame ne
semblait pas feinte, mais elle parlait d'agir avec une solidarité
inattendue. La mère sup é rieure
en fut aussi surprise que Marie.
    — Je
ne sais pas ce qu'on va faire, répondit-elle, ni surtout ce
qu'on peut faire. Nous sommes épuisées,
et si loin de France. Ici les gens meurent ou passent. Rien ne
dure... mais... vous avez raison, il faut faire quelque chose.
    Marie
remarqua que dans la voix de la religieuse toute trace d'aut o rité
avait disparu, laissant place à une
détermination nouvelle, dénuée de l'agressivité
qui y pointait habituellement.
    — ...
Oui, continua la mère supérieure. On va réfléchir.
Et on va trouver.
    Elles
n'avaient pas vu passer les heures et l'ombre avait envahi le carbet.
La femme du directeur s'en aperçut et quitta les lieux en
faisant la promesse de r e venir.
Dehors, la fraîcheur de la nuit la saisit Elle
ne s'attendait ni à un
tel froid, ni à cette
pénombre et, tout en regagnant la Villa dans laquelle elle se
clo î trait
d'ordinaire dès la fin du jour, elle prit peur. Un petit vent
soufflait, se faufilant au travers des délicates dentelles de
sa robe de soie. Des ombres passaient dans la rue noire, glissant
d'un bosquet à l'autre. Elle pressa le pas, décidée
à reg a gner
sa Villa au plus vite. Une ombre s'approcha, un libéré
plus hardi que les autres venait voir qui se cachait derrière
cette silhouette féminine i n consciente
qui traînait encore dehors à cette heure. Mais en
reconnai s sant
la femme du dire c teur,
il s'éloigna rapidement. Effrayée, elle se mit à
courir, l â chant
son ombrelle et son châle de soie qui tombèrent au sol.
Quand elle arriva à la Villa, échevelée et
essoufflée, son mari l'attendait sur la véra n da,
devant la porte. Terriblement inquiet de ne pas trouver sa femme à
son retour, elle qui ne sortait j a mais
après cinq heures, il avait fait appeler le surveillant en
chef et envoyé des hommes à sa recherche. Il fut si
content de la voir revenir qu'il ne so n gea
même pas à lui en faire grief, oubliant même d'en
avertir le su r veillant
en chef qui, après avoir été à l'hôpital
puis chez les sœurs, courait encore de carbet en carbet, affolé
à l'idée de revenir sans avoir a c compli
sa mission.
    Pendant
ce temps, Marie avait retrouvé sa paillasse, les autres
b a gnardes
et tout ce qu'elle avait cru quitter à j a mais.
Où aurait-elle pu aller ? Après tout elle n'était
plus la femme de Charlie. L'atmosphère avait changé. Il
régnait un silence qu'elle ne se rappelait pas avoir connu en
ce lieu continuell e ment
animé de disputes sordides.
    Rassemblées
derrière la fine cloison qui séparait leur coin de
celui des sœurs, les femmes avaient écouté son
récit mot à mot, effarées. Et elles en avaient
été si profondément s e couées,
mesurant à quel point leur avenir était noir, qu'elles
s'étaient couchées dans un silence de mort, devançant
l
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