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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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et c'est en tirant un peu v i vement
une veste qui était restée au fond et dont la manche
était déchirée qu'elle fit tomber au sol un tout
petit objet. Intriguée, elle le ramassa et ma n qua
défai l lir.
C'était un petit bouton de nacre, identique en tout point à
celui qu'elle avait perdu sur le quai de La Rochelle dans la
bousculade de l'embarquement. Elle le regarda sans comprendre, et le
tourna en tous sens. Il avait la même petite fleur peinte que
dans son souvenir, avec une feuille verte. Ce bouton était le
sien. Comment cela était-il possible
? A
qui était cette veste ?
    — C'est
celle de Romain Gilot,
lui expliqua sœur Odile.
Tu sais, le jeune médecin que tu as sauvé de la jungle.
Il est mort, et le
médecin-chef m'a demandé on
pouvait remettre sa veste en état
avant qu'il
la renvoie en France par le
prochain bateau avec toutes ses
a f faires.
Il ne veut pas
la rendre
déchirée à sa famille .
    — Le
jeune médecin est mort?
    — Oui,
Tu ne le savais pas ?
    Dans
un premier temps, Marie n'eut pas de réaction.
    La
mort était à Saint-Laurent la
chose la plus banale qui
soit. Partir ou mourir, il
n'y avait que ça à faire Et
puis, elle ne connaissait pas vraiment
ce médecin. Seulement
voilà, elle d é couvrait
qu'il avait dans la poche de sa veste ce petit bouton de
nacre qu'elle avait perdu
à La Rochelle des années auparavant.
    — Il
venait d'avoir vingt-trois ans, mourir ici, comme ça... si jeune...
tu te rends compte ... Je pense à sa famille, ils doivent être
e f fondrés,
perdre un enfant si loin ça doit être te r rible...
Il ne le reverront jamais...
    Sœur
Odile pensait à voix haute
tout en triant linge.
Marie l'é coutait en
silence et
d'un seul coup, sans
que rien ne le laisse prévoir, elle s'e f fondra.
Elle qui avait versé si peu de larmes, même aux pires
moments de son existence, elle pleura sans pouvoir s'arrêter.
Sœur Odile, e f frayée,
courut avertir la mère supérieure mais rien n 'y
fit. impossible d'arrêter son torrent de larmes. Marie pleurait
tout à la fois. Ce jeune médecin et le souvenir de ce
gracieux chemisier du
temps où elle e s pérait
encore tant de choses he u reuses
de la vie. Elle pleura pour ces années mortes, pour ces hommes
qui lui avaient fait si mal, pour l'amour qu'elle n'avait jamais
connu, pour le ciel lumineux de son e n fance
qui lui avait menti et pour les paysages de son pays qu'elle ne
reverrait plus. Elle pleura pour Bordeaux et pour ses souvenirs, pour
ses parents qui l'avaient abandonnée. Elle pleura enfin pour
sa vie pe r due
qui ne servait à rien et pour la viei l lesse
qui avait rongé son corps au plein cœur de la jeunesse.
Marie avait à peine plus de vingt ans quand elle était
arrivée à Saint-Laurent, deux ans après elle en
parai s sait
plus du double. Très amaigrie, sa peau s'était
ratatinée et avait perdu son éclat. De profondes rides
de souffrance avaient anéanti la douceur de ses traits et sa
lourde chevelure n'était qu'un lointain so u venir.
Cadavérique, terne, vidée de toute esp é rance,
telle était Marie désormais. Elle vivait, mais elle
n'exi s tait
plus.
    — Allons,
allons, Marie, il faut vous remettre, ce n'est pas le m o ment
de flancher. Le pire est derrière nous, mai n tenant
ça ira mieux.
    La
mère supérieure lui avait pris la main et
l'encourageait à se
r e prendre,
plus remuée qu'elle ne le laissait paraître par ce flot
de larmes. Marie releva la tête et acquiesça, puis elle
glissa le petit bo u ton
de nacre dans la poche de son tablier et, mécaniquement, elle
r e prit
le cours de son travail. Jamais plus elles ne reparlèrent de
ce m o ment.
La possession du petit bo u ton
de nacre apportait à Marie
une émotion qu'elle croyait ne plus j a mais
pouvoir éprouver en ce monde. Elle le sortait tous les matins
en se levant et tous les soirs en se co u chant,
et elle le scrutait dans le moindre détail. Dans ces brefs
instants, il lui se m blait
tenu entre ses doigts un bout de la France, un peu de sa vie d'avant,
de Bordeaux. Elle se mit à le regarder de plus en plus
so u vent,
elle vérifiait en permanence qu'il était bien là,
qu'on ne le lui avait pas pris, qu'elle ne l'avait pas perdu. Très
vite il devint une o b session.
Il était le monde d'avant, celui dans lequel les choses
étaient possibles. Un monde dans lequel, malgré sa vie
de misère, elle atte n dait
un avenir. Un amour, une famille, une maison, dans un village ou une
ville avec des vraies rues, des
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