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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
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La même que celle qu'elle avait remarquée plus tôt, lorsque Marguerite était rentrée des poulaillers. Un ravaudage peu expert qui trahissait une impatience d'aiguille. Comme elle, Marguerite devait avoir peu de goût pour la couture. Le regard d'Alexia descendit jusqu'à l'auréole beige laissée au bas de la robe blanche par les salissures récoltées à la basse-cour. La jeune femme se demanda fugacement pour quelle raison cette trace de nettoyage récent lui paraissait si importante.
    – Rolande, je vous l'assure, pouvait être très distrayante. Je sais que vous l'avez connue sérieuse, comptable scrupuleuse, mais quel pitre lorsqu'elle était enfant ! Elle imitait les gens à la perfection, forçant le trait à me faire rire aux larmes et…
    Pourquoi n'avoir pas changé de robe pour confier le vêtement souillé à la buanderie ? Chaque trousseau de nonne comportait deux robes afin de pouvoir les laver à tour de rôle, deux chainses qu'elles portaient jusqu'à ce que la trame cède et que l'on consente à les remplacer, un long tablier sombre à manches pour se protéger lors des travaux ingrats ou salissants, des sandales à lanières pour les beaux jours et des socques pour l'hiver en plus d'une escoffle ou d'un mantel doublé de lapin ou d'agneau. Marguerite avait lavé le bas de sa robe sitôt après avoir quitté Alexia. Comment l'épaisse laine blanche avait-elle pu sécher si rapidement, surtout par ce froid ? Même un devant de cheminée n'aurait pu accomplir ce prodige. Et Alexia comprit.
    – Un mignon petit singe, vous dis-je. Elle avait de ces inventions… Je me souviens d'un Avent où…
    Elle comprit que l'auréole beige avait été abandonnée par un fer chaud carbonisant sur la laine les résidus de fientes de poulet et de boue insuffisamment rincés. L'hostellerie possédait donc un ou plusieurs fers, ce qu'ignorait la sœur lingère, ou quiconque. Elle comprit que Marguerite n'avait pas changé de robe parce qu'elle ne pouvait pas produire la deuxième. L'avait-elle détruite pour dissimuler le sang qui l'avait éclaboussée lors de la décapitation de Rolande ? L'avait-elle cachée en attendant de pouvoir la laver et la faire sécher en discrétion ? La raison lui conseilla de se taire, de prévenir les deux apothicaires dès que Marguerite se serait enfin retirée. Pourtant, elle s'entendit demander d'une voix blanche :
    – Connaissez-vous le jeu de tarot ? Pourquoi ne mentionnez-vous jamais votre frère Monge ?
    Le visage de l'hôtelière, auquel l'évocation de l'enfance venait de rendre un peu d'éclat, se figea.
    – Il a trépassé jeune. Trop jeune. Quant au tarot, Rolande m'en avait offert un jeu, un jour de foire. Cependant, il m'a vite lassée. Je n'ai pas une bonne tête pour les lames. J'en oubliais sans cesse la signification exacte. À ma décharge, leur versatilité.
    Alexia en fut certaine : l'histoire se nouait maintenant, autour de ce frère défunt.
    – Et Monge ? Un accident ? Une fièvre ? insista-t-elle en se maudissant de ne pas mettre aussitôt terme à cette conversation.
    Le regard sombre qui se posa sur elle la fit frissonner. Marguerite était de taille et de poids à la dominer physiquement. Elle avait déjà tué. Il sembla à Alexia qu'elle pénétrait dans l'esprit de Marguerite. L'autre pesait le pour et le contre, écartelée entre l'envie de mensonge et celle de vérité, l'instinct de survie et le besoin d'en finir. Ce dernier l'emporta. Elle répondit d'une voix plate :
    – Une femme.
    Alexia n'eut aucun doute concernant son identité :
    – Blanche de Cerfaux.
    – En effet. Ou plutôt Anne Bonnel, feu mon exécrable sœur d'alliance, rectifia Marguerite. Une démone de la pire espèce, dès son âge d'enfante. Il en était fou. Ma sœur et moi avons été leurrées pendant un temps. Elle connaissait toutes les ruses, sans compter tous les maléfiques secrets qu'elle avait appris avec celui qu'elle appelait son maître, du moins avant de tenter de l'occire puisqu'il en savait beaucoup trop sur son compte. Un certain Arnaud. Elle a ruiné mon frère, et nous avec puisqu'il avait la charge de notre substantiel héritage. Ah… Il va me falloir combler certains manques volontaires de mon précédent récit. Ma mère est morte peu de temps après la naissance de Rolande. Il s'agissait d'une grossesse trop tardive. De saignements en fièvres, elle n'y survécut que deux mois. Mon père était un riche mercier d'Angers. À son
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