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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition
Autoren: Andrea H. Japp
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la missive que venait de lui porter un messager fourbu et trempé plaquée contre sa poitrine, dévala les marches de l'hostellerie. Enfin, des nouvelles de son tendre amour. Elle l'avait lue dix fois, s'émerveillant de ces lignes nerveuses tracées à la hâte, sous la passion d'un moment.
    Ma chère dame, mon bourreau,
    Le titre vous sied comme un gant de belle facture, ma mie. Aussi ne m'en veuillez que juste un peu. J'ai cru mourir cent fois à vous savoir coupée de tout, entre ces sombres murailles. J'ai cru devenir fou sans nouvelles de vous. J'ai sellé vingt fois mon cheval, le crevant afin qu'il avance, contre toute raison, alors qu'il s'enfonçait dans la neige jusqu'au poitrail. Pardon au noble animal qui se repose en l'écurie en attendant le dégel, en attendant de voler vers vous. Sous peu.
    Il ne s'agissait pas, de votre part, d'une de ces coquetteries de dame dans lesquelles la forte gent s'égare. Mon cœur, mon âme vous sont acquis, je ne m'en suis pas caché et vous êtes au-dessus de ces ruses, je le sais. Votre mobile était impérieux, donc inquiétant. Doutez-vous de votre flamme, ma dame ? Vous me jugerez bien fol ou bien présomptueux, mais je ne puis le croire.
    Mon messager ne nous précède, moi et mon modeste entourage, que de quelques heures. J'attends si férocement vos bras, votre sourire et votre regard que le souffle me manque.
    J'arrive, ma magnifique aimée.
    Votre dévoué et trop aimant, Aimery. 
    Elle buta presque dans Marguerite Bonnel qui arrivait, essoufflée et de toute évidence mécontente. La sœur hôtelière lança d'un ton d'agacement :
    – Je suis toujours la dernière prévenue. Or, si quelqu'un doit s'affoler à si noble arrivée, c'est tout de même moi. Aucune chambre digne du comte n'est prête ! Ah, mon Dieu !
    – Le comte Aimery est assez gentilhomme pour s'accommoder de peu lorsqu'il ne prévient de sa visite que quelques heures à l'avance, tenta de l'apaiser Alexia. De surcroît, en soldat, il est accoutumé aux camps de fortune.
    – Et me ridiculiser en n'accueillant pas dignement un hôte de sa qualité et sa suite, un ami de l'abbesse à ce que j'en ai compris, et un protecteur de l'abbaye ? Que nenni ! s'emporta Marguerite.
    Alexia songea que la venue d'Aimery lui fournissait un soulagement, une trêve d'avec son terrible chagrin. Elle s'affairait, virevoltant, oubliant pour quelques fugaces instants le trépas de sa sœur aimée.
    Remarquant le bas de la robe blanche détrempée et noirâtre, elle s'enquit :
    – D'où sortez-vous, ma bien chère ?
    – Ne m'en parlez pas ! Dès que j'ai parcouru la missive du comte qui m'était destinée – élégante attention de sa part de prévenir une obscure sœur hôtelière de sa venue –, me doutant que l'abbesse était déjà au courant, j'ai foncé en cuisines prévenir Clotilde Bouvier, afin qu'elle améliore dès le souper notre maigre et allège l'austérité de nos tranchoirs pour plaire au comte. Ne le répétez surtout pas, mais notre bonne Clotilde adore ces visites fastueuses. Elles lui permettent de concocter de délicieuses préparations de cuisine, de mettre en pratique son art qui est immense, contrairement à la stricte observance de notre règle. Impossible de la trouver. Affolée par le temps qui filait, j'ai foncé aux poulaillers. Je comptais – pardon pour mon manque de charité qu'excusera, je l'espère, l'urgence de la situation –, bref, je comptais secouer un peu la gentille Éloïse, notre gardienne des viviers et des poulaillers. Éloïse est charmante, mais encore plus dolente et lente. Dieu qu'elle est lente. À croire qu'elle concentre ses efforts de la journée afin de consoler les volailles qui pondent. Elle non plus, je ne l'ai pas trouvée. En revanche, les poulaillers sont si mal tenus depuis un moment que les fientes s'accumulent sur un pied d'épaisseur. J'en référerai à l'abbesse, c'est insupportable et ça pue. Toujours est-il que les excréments se sont dilués à la neige fondante et que j'ai pataugé dans ce marécage malodorant jusqu'à mi-mollets. Ah ma chère, quel bonheur de recevoir le comte ! Toutefois, quelle grande inquiétude ! Rien n'est prêt. J'en pleurerais de rage. Votre pardon, il faut que j'aille me changer. J'ai l'impression d'être métamorphosée en croupion de poule !
    Alexia la regarda s'enfuir. Pauvre Marguerite. La menue excitation provoquée par la prochaine arrivée d'Aimery la rendait à la vie pour un temps.
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