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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable
Autoren: Anne Tremblay
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avaient tenu le
     coup, celles du haut n’avaient plus de carreaux. La végétation avait envahi les
     côtés de la maison. Pendant toutes ces années, il n’avait pas eu le courage d’y
     revenir. Il s’approcha de la bâtisse, sa belle, son château… Avec un soupir,
     lentement, il fit le tour de son ancienne propriété.
    Il se dirigea en premier vers l’arrière et, d’un coup d’œil, vit que la
     toilette extérieure, un peu en retrait, était à moitié affaissée. La branche
     d’un vieux bouleau était tombée sur la petite cabane au toit pentu et l’avait
     défoncé. Un sourire éclaira ses traits au souvenir de cette « royale bécosse »
     comme son beau-frère Ti-Georges avait surnommé la toilette. Il est vrai que
     personne n’en avait vue de si grande distinction. François-Xavier l’avait bâtie
     un peu avant son mariage, en 1925. Il voulait tellement que tout plaise à
     Julianna. Il n’avait pas choisi une fille ordinaire pour épouse. Loin de là !
     Julianna Gagné, qui avait vécu à Montréal, détonnait par rapport aux habitantes
     de la Pointe. Les gens chuchotaient sur leur passage. Une fiancée au passé
     mystérieux, qui venait de la grande ville, habillée à la dernière mode, et ô
     sacrilège suprême, portait les cheveux courts ! François-Xavier n’en avait cure.
     On disait que les Rousseau père et fils avaient perdu la tête. Car Ernest, son
     père adoptif, s’était marié, en même temps que lui, avec la tante et mère
     adoptive de Julianna. Toute une histoire bien compliquée qui avait alimenté de
     nombreux potins au coin du feu.
    François-Xavier avait une fois de plus dessiné des plans mais pour une bécosse.
     Il revit Ti-Georges, penché au-dessus de son épaule, s’écrier à la vue de
     l’esquisse :
    — Ah ben bateau, t’exagères ! Une bécosse, c’est une bécosse ! T’as juste
     besoin de quatre murs pis d’une planche au-dessus du trou !
    François-Xavier n’avait même pas levé les yeux de la feuille sur
     laquelle il achevait de tracer consciencieusement une jolie porte ornée d’une
     haute ouverture en forme de cœur pour laisser passer la lumière. La cabane était
     plus haute que la normale et bien plus large que l’habituel petit abri que l’on
     retrouvait à l’arrière de chaque maison du voisinage.
    Découragé, son ami lui avait pointé du doigt le toit en disant :
    — Pis voir si ç’a de l’allure un toit à deux versants pour une bécosse ! C’est
     ben plus cher à construire. Tu pourrais te contenter d’un simple toit en pente
     comme sur la shed à bois, y me semble !
    — Ti-Georges, laisse-moé donc tranquille pis va voir dans le champ si chus là.
     T’es rien qu’un grand jaloux.
    — Moé, jaloux ? s’était indigné Ti-Georges. Parce que j’me sus pas construit
     une bécosse de fou ? Bateau, c’est pas moé qui vas être la risée de toute la
     Pointe !
    François-Xavier avait souri. Il était habitué à la franchise de son meilleur
     ami. Patiemment, il avait expliqué :
    — Tu vois, avec un toit de même, je l’avance au-dessus de la porte pis ça va
     servir de véranda quand y pleut. Pis en dedans, regarde, en dedans, j’ai pensé à
     toute ! avait continué l’architecte en herbe, en retournant sa feuille de
     l’autre côté, dévoilant ainsi le plan de l’intérieur de son projet.
    Fébrile, François-Xavier avait fait faire à son ami une visite guidée sur
     papier de sa future construction.
    — Là, dans le coin, c’est un coffre de rangement, pour mettre le sac de chaux,
     y va s’ouvrir pis se fermer avec cette corde. Pis là, y va y avoir un crochet
     pour une tasse pour pas toucher à la chaux avec les mains. En haut, c’est une
     p’tite armoire pour mettre des guenilles pis tout ce que Julianna pense avoir
     besoin. Pis la boîte, c’est pour mettre les bouts de papier journal pour
     s’essuyer. J’vas en découper à l’avance en carrés pis j’vas m’organiser pour que
     la boîte soit toujours ben remplie. Pis là, de chaque côté, en haut des murs,
     deux belles trappesd’aération. J’vas les grillager pour pas que
     la bibitte entre par exemple. Pis là c’est pour accrocher le fanal…
    — Pis en avant du trou, c’est quoi, un autre coffre ? l’interrompit son
     ami.
    — Non, non, c’est un p’tit palier, un genre de marche.
    — Ben voyons donc !
    — Ben oui, c’est une bonne idée, tu trouves pas ? Comme ça
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