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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable
Autoren: Anne Tremblay
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déchirants. Comme on
     ne voulait pas trop que cela se sache, Julianna et les autres enfants ne vinrent
     pas à la gare. Julianna prépara le repas préféré de son garçon, et ses frères et
     sœurs lui dirent un mot gentil. Ils ne savaient pas quand ils le reverraient.
     Pierre devrait peut-être rester caché pendant des années !
    François-Xavier voulut accompagner son fils jusqu’à Roberval. Ils allaient
     prendre le train ensemble jusque-là, puis Pierre continuerait jusqu’au chantier
     tandis que François-Xavier… François-Xavier ferait un pèlerinage. Il avait
     décidé de retourner sur la Pointe. Cela faisait vingt-cinq ans que sa mère
     naturelle Joséphine était décédée. Il voulait aller se recueillir sur sa tombe
     et sur celle d’Ernest. Ensuite, il se rendrait peut-être jusqu’à son ancienne
     fromagerie. Il irait voir si le château à Noé était encore debout. Il en ferait
     le tour, entrerait dans la maison abandonnée. Probable que bien des souvenirs
     lui reviendraient à la mémoire… Peut-être grimperait-il dans la tour, une
     dernière fois…
    Dans le train, le père et le fils s’assirent face à face. Ils se ressemblaient
     tellement ! La même chevelure, les mêmes yeux, « avec le nez retroussé de sa
     mère… » se dit François-Xavier.
    Oui, ils se ressemblaient, mais son fils avait déjà connu en dix-sept ans plus
     d’épreuves que bien des gens. François-Xavier revit la naissance de son aîné. Il
     s’était senti si fort, invincible comme le chevalier à l’armure magique des
     histoires de sa Fifine… Il était certain qu’il offrirait à son fils ce qu’il y
     avait de mieux. Il soupira et fouilla dans sa poche. Il en sortit un petit
     paquet et le tendit à son Pierre.
    — C’est tout ce que je peux te donner, mon grand.
    Pierre sortit d’un mouchoir une liasse de billets de banque.
    — C’est beaucoup trop !
    — Tu vas en faire bon usage, mon garçon, j’en suis ben certain.
    Pierre le remercia.
    — J’ai quelque chose d’autre aussi, ajouta François-Xavier en
     lui en tendant un deuxième.
    Cette fois, Pierre en sortit une croix de bois qu’il reconnut tout de suite.
     Son père lui avait montré ce précieux objet à quelques reprises.
    — Elle te revient astheure, la croix de ton grand-père…
    — Elle est si belle, dit Pierre ému.
    — Mon père m’avait dit que sa lumière me guiderait… J’espère qu’a va t’aider
     pis t’éclairer quand tu seras dans le doute… Parce que… y fait ben noir des fois
     dans la vie, tu le sais…
    François-Xavier, le cœur serré, regarda son fils. Il aurait tant voulu le
     protéger. Lui éviter toute souffrance, que sa vie ne comporte que des moments de
     joie, que du rire… Il avait appris qu’il n’y a pas de lumière sans ombre, que là
     où se trouve le bien, le mal n’est jamais très loin ; qu’il n’y a pas de vie
     sans mort, de mort sans vie. L’eau et le feu doivent exister tous deux. Là où
     Dieu bâtit son Église, le Diable bâtit sa chapelle.
    Pierre regarda son père. Il se sentait comme un petit garçon. Il avait envie de
     pleurer, il aurait voulu que son père le berce, le rassure, le protège. Qu’il le
     prenne sur ses épaules et qu’il lui dise qu’il n’y avait pas de danger, qu’il ne
     tomberait jamais, qu’il ne se ferait pas mal… Qu’il ne l’abandonne pas dans ce
     monde où l’on devait changer d’identité et se cacher pour survivre, où l’horreur
     frappait une nuit de janvier, où la mort venait ravir des enfants, où des pères
     reniaient leurs fils…
    — Papa… Vous m’oublierez pas ?
    François-Xavier lut dans les yeux de son fils une question qu’il connaissait
     bien.
    — Ta mère pis moé, on arrêtera jamais de t’aimer… Même si on voulait, on
     pourrait pas… Ça, doutes-en jamais.

    À suivre

Annexe
    DISCOURS DE MONSIEUR ONÉSIME TREMBLAY PRONONCÉ LE 11 NOVEMBRE 1926 AU CONGRÈS
     DE L’UNION CATHOLIQUE DES CULTIVATEURS DE LA PROVINCE DE QUÉBEC (U.C.C.)

    Messieurs,
    Celui qui devait traiter la question de « l’agriculture et l’industrie » étant
     absent, on m’a demandé de donner des explications sur l’état des choses au
     Lac-Saint-Jean, où l’industrie qui produit de l’électricité est présentement en
     conflit avec l’industrie agricole.
    Je commencerai par un aperçu de l’histoire de la région. À son début, le lac
     Saint-Jean était le plus isolé
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