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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable
Autoren: Anne Tremblay
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rétablissement. Il le traitait en homme, avec respect et même une
     certaine pointe d’admiration. Le curé se réjouissait des progrès de Pierre et de
     sa réadaptation. Le religieux lui offrit de loger au presbytère pour tout le
     mois de mai, le temps de marcher au catéchisme. Cela serait beaucoup plus facile
     et donnerait également un répit à sapauvre mère qui semblait au
     bord de l’épuisement. Pierre aima son séjour au village. C’était l’endroit le
     plus calme qu’il ait jamais connu ! À la fin du mois, il reçut son diplôme avec
     une « mention de très haute distinction ». Il garderait une photographie de
     cette journée, son brassard blanc au bras, son habit neuf, mais au fond des yeux
     une telle tristesse...
    Cette tristesse ne le quittait presque jamais plus et teinta toute son
     adolescence. Sa tante Marie-Ange lui avait dit avant de partir pour Montréal :
     « Tu vas voir, à 18 ans, tu vas courir les filles pis tu te souviendras pus de
     rien le soir de tes noces ! »
    Pierre en doutait vraiment.
    C’était comme s’il n’avait pas le droit d’être heureux, lui. Qu’il ait survécu
     lui donnait en retour le devoir d’être malheureux pour toujours. Oh ! bien sûr,
     le temps avait aidé, Pierre avait repris ses activités. L’hiver, il avait patiné
     et joué au hockey pendant des heures ; l’été, il avait pêché et couru à travers
     champs, mais ses années d’adolescence furent revêtues de tristesse et de
     solitude. Le deuil de toutes ces vies...
    Une chance que ses petits frères et sœurs étaient là. Il arrivait un nouveau
     bébé dans la famille presque chaque année ! Comme si sa mère avait voulu
     remplacer toutes ces cruelles absences. Il y avait eu Zoel, ce frère au drôle de
     nom, puis Adélard et Barthélemy. Trois autres garçons ! Cela faisait dire à sa
     mère qu’elle avait mis au monde une équipe de hockey complète ! Yvette était
     désespérée ! À chaque naissance, sa première question était :
    — Pis c’est-tu encore un garçon ?
    À sa grande déception, la réponse était toujours affirmative.
    De temps en temps, Pierre allait passer quelques jours auprès de son parrain.
     Son oncle Georges n’était plus le même homme. Il était devenu taciturne.
    De plus, la guerre avait éclaté. Pauvre Pierre. Il pouvait résumer son
     adolescence en rationnement d’essence ; avec l’engagementd’Elzéar, en inquiétude, sans compter l’oncle Henry, devenu soldat et blessé
     dans une bataille. Permission, rapatriement, armée de l’air, armée de terre,
     chute de la France, avancement des Alliés, pertes de vies humaines, effort de
     guerre, conscription…
    La conscription… On ne parlait que de cela.
    Depuis que le Canada était entré en guerre avec l’Allemagne, le
     11 septembre 1939, le peuple était divisé. Certains réclamaient le service
     militaire obligatoire, d’autres le refusaient. Le premier ministre du Canada,
     William Lyon Mackenzie King, avait bien appris la leçon de la première guerre
     quand la conscription avait ébranlé l’unité nationale. Il procéda à un
     référendum, le 27 avril 1942, où ceux en faveur de la conscription
     l’emportèrent. King essaya de tempérer : « Pas nécessairement la conscription,
     mais la conscription si nécessaire. »
    Julianna avait hurlé et piqué une de ces crises.
    — Non ! Jamais ! avait crié Julianna. Y est pas question que mon fils aille se
     faire tuer l’autre bord de l’océan ! C’est un miracle qu’il soit encore vivant,
     le Bon Dieu l’a pas sauvé pour rien !
    Elle ne décolérait pas.
    — Y a assez d’Elzéar qui s’est engagé, on a même pas de nouvelles de lui !
     Pierre est encore un enfant ! C’est pas vrai, y a pas une loi qui va obliger mon
     fils à aller se battre ! Y a assez de volontaires ! Mon fils sera pas soldat, un
     point c’est tout !
    C’était au début de l’automne 1943. Tout le monde disait que, bientôt, King
     jugerait la conscription nécessaire… Pierre avait dix-sept ans. Il fut convenu
     que l’adolescent monterait dans un chantier, un des plus éloignés, en haut du
     lac Saint-Jean, et qu’il s’y cacherait sous un faux nom pour ne pas être repéré
     lorsque ses dix-huit ans arriveraient en même temps que sa lettre d’engagement.
     C’est ainsi que l’existence de Joe Dubois, jeune bûcheron, commença.

    Les adieux de Pierre à sa famille furent
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