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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable
Autoren: Anne Tremblay
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Elzéar se tenaient en retrait avec le curé et le docteur. Quelques
     voisins s’étaient rassemblés. Tous se tenaient immobiles devant le désastre. On
     aurait pu les croire en prière ou en recueillement, mais si on y regardait de
     plus près, ces hommes étaient tout simplement sous le choc. Sept enfants et une
     jeune mère étaient décédés... Une telle ampleur dépassait la capacité
     d’adaptation qu’un être humain peut avoir face à des événements tragiques.
    On respecta le silence de Georges. Ti-Georges prit une grande inspiration et
     lentement s’approcha des décombres. Plus tard, des boîtes seraient apportées, et
     c’est par la grosseur des crânes que l’on essaierait d’identifier les morts. Les
     quêteux étaient disparus comme s’ils n’avaient jamais existé. On expliquerait
     que personne n’avait rien pu faire. Le naphte était si dangereux. Il avait donné
     au feu un pouvoir immense. Le combustible, combiné avec le poêle qui
     surchauffait, l’état de la vieille maison de bois sec et l’air glacial qui
     s’était engouffré par la porte ouverte, avaient provoqué un incendie dévastateur
     qui n’avait laissé aucune chance. En prévision des grands froids, on avait
     calfeutré les fenêtres, ce qui en empêchait l’ouverture mais hélas, également la
     fuite des enfants…
    — Viens, Georges, on reste pas là. Ça donne rien… Viens… On retourne chez nous,
     proposa François-Xavier.
    Ti-Georges refusait de bouger. Il avait la folle impression que sesenfants sortiraient des cendres, se secoueraient et diraient :
     « Coucou papa, on vous a joué un bon tour, hein ? » Les jumeaux seraient fiers
     de leur coup, Sophie lui sauterait au cou, Delphis le regarderait avec un
     demi-sourire... Samuel aurait voulu jouer encore... Mais non... Ils étaient
     allés retrouver leur maman Marguerite... Et Rolande et ses autres enfants...
     Augustin qu’il avait aimé comme le sien, Antoinette, si mignonne... Il se
     sentait tellement coupable : si seulement il avait pensé à prendre les
     couvertures dans le salon au lieu de courir à l’étable…
    Tout à coup, Jean-Marie tomba à genoux dans la neige, sanglotant. Ses petits
     frères et sœurs étaient morts. Rolande était morte. Son amour, sa vie. Il
     l’aimait…
    Georges se tourna vers lui comme au ralenti. Sans crier gare, il s’approcha de
     son fils et se mit à le rouer de coups de pied en vociférant :
    — C’est ta faute, criss de calvaire de fils... C’est ta faute... J’voulais pas
     les faire entrer, ces quêteux-là... Je les aurais jamais laissés attacher leurs
     damnés chiens près du naphta. Tout le monde sait ça que c’est dangereux ! C’est
     ta faute ! T’as-tu compris ! Y fallait les envoyer dans la grange ! C’est à
     cause de toé qu’y sont tous mort ! À cause de toé ! Enfant de chienne de maudit
     infirme à marde ! J’veux pus jamais te voir !
    Henry et François-Xavier essayèrent de retenir Ti-Georges et de l’éloigner de
     Jean-Marie. Le fils pleurait et recevait les coups sans se débattre. Il
     avoua :
    — Je l’aimais… Je l’aimais…
    Ti-Georges se calma et repoussa ses deux amis. Il regarda Jean-Marie d’un air
     méprisant et lui dit :
    — Moé aussi, criss…

    Henry ramena Ti-Georges et Elzéar à la ferme de Julianna.
     François-Xavier resta avec Jean-Marie. Doucement, sans poser de questions, il
     aida son neveu à se relever.
    — Jean-Marie, reste pas à terre. Lève-toé, mon grand…
    Le curé s’approcha d’eux et offrit son bras. À deux, ils soutinrent le jeune
     homme éploré.
    — Jean-Marie, reprit François-Xavier, j’pense pas que c’est une bonne idée que
     tu viennes à maison… Y faut laisser du temps à ton père…
    — Tu t’en viens avec moi au presbytère, décida le curé Duchaine.
    Jean-Marie fit signe que non.
    — Je… J’vas m’en retourner en Ontario ou… je… je…
    — T’es pas en état de voyager… Va chez le curé.
    — Non, j’veux partir…
    — Jean-Marie, attends, j’ai peut-être une idée. Que c’est que vous en pensez,
     curé Duchaine, si Jean-Marie allait chez les trappistes ?
    — C’est une excellente idée, François-Xavier.
    — Chez les trappistes ? demanda Jean-Marie.
    — Oui, confirma son oncle. Tu vas voir, tu vas être ben. Tu pourras rester le
     temps que tu voudras là-bas, chus certain. Le temps d’avoir un peu moins de
     peine… Pis que ton
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