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La chambre des officiers

La chambre des officiers

Titel: La chambre des officiers
Autoren: Marc Dugain
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joie de la réussite de son fils, ingénieur et officier. La famille s'élevait un peu plus à chaque génération dans le savoir et la considération sociale, et ce siècle s'annonçait sous les meilleurs auspices; il n'y avait qu'à récupérer l'Alsace et la Lorraine. Et ma jeune sueur si tendre avec ce frère de huit ans son aîné, qu'elle écoutait comme un père. Ma mère, avec son esprit en forme de garde-manger, son inconsistance étalée au grand jour par la mort de mon père, qui la protégeait même s'il la trompait méthodiquement chaque jeudi, quand il allait au marché de Bergerac dans son attelage léger et en profitait pour rendre visite à une dame plus très jeune qui vivait derrière l'église et dont on disait qu'elle relevait la moustache aux hommes pour quelques francs.
    Et mon grand-père, dont le dernier regard au moment de mon départ en disait si long sur cette crainte du Prussien qu'il gardait de la défaite de 70, dont il conservait la marque indélébile sous la forme d'un coup de lance reçu d'un uhlan qui le chargeait par l'arrière. Au repas qui avait suivi la mise en terre de ma grand-mère, comme le bourrelier lui affirmait qu'on viendrait à bout des Allemands en quelques jours, il avait répondu: " Tu me rappelles l'histoire du drôle qui fait le pari avec ses copains d'avaler trois grosses pierres plates. Les copains reviennent une heure après
    " - Alors t'en es o˘? " Le drôle répond
    " - Il n'en reste plus qu'une.
    " Et il ajoute, en baissant les yeux
    " - Plus les deux que j'ai dans la bouche. ï> Pour mon grand-père, les Allemands, c'était la même histoire.
    - Mon... mon lieutenant!
    Le petit gars agité aux yeux globuleux qui m'extirpe brutalement de mon demi-sommeil, c'est Chabert, l'adjudant-chef de ma section. Un militaire de carrière cambré comme un croissant, qui bégaye tellement il est pressé de faire son devoir.
    - Mo, mon lieutenant, le commandant de compagnie désire vous voir dans, dans ses quartiers.
    Le commandant est un type immense, bedonnant. Une bonne tête, mais l'amabilité un peu politique, qui vous aime bien tant que vous faites son boulot, que vous ne le mettez pas en porte-àfaux avec ses supérieurs, et qui vous laissera
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    tomber avec le même sourire affable quand les ennuis commenceront.
    - Dites-moi, Fournier, je vous ai fait appeler, parce qu'en consultant votre dossier et vos états de service j'ai vu que vous étiez un véritable spécialiste des ponts mobiles.

    - En quelque sorte, mon commandant.
    - Ingénieur des Arts et Métiers, trois ans de service militaire dans le génie, quelques précieux mois d'expérience dans le génie civil. Tout ça me paraît très bon. Au fait, vous n'auriez pas un lien de parenté avec un Fournier, ingénieur des Ponts, colonel en poste à l'état-major. Votre père, peutêtre?
    - Pas du tout, mon capitaine. Mon père est mort.
    Je le sens déçu que son subordonné ne puisse pas le servir auprès de ses supérieurs. - En fait, Fournier, je vous ai convoqué pour vous confier une mission. Je souhaite que vous preniez la tête d'un détachement chargé de détecter les sites favorables à la mise en place de ponts mobiles sur la Meuse.
    - quand faut-il partir, mon commandant? - Le plus tôt sera le mieux. Les Allemands approchent. On les attend sur l'autre rive demain, au plus tard après-demain. Pour le moment, on reste sur cette position mais, bien entendu, prêts à l'offensive. Je compte sur vous, Fournier.
    Puis, le regard vague, comme s'il éprouvait de la difficulté à dissimuler son inquiétude
    - Demain dès l'aube. Vous et deux souslieutenants pour les repérages. «a devrait suffire. Il ouvre son tiroir et en sort une bouteille de marc probablement réquisitionnée dans une ferme abandonnée.
    - Une petite goutte, lieutenant?
    La guerre n'a pas encore commencé et il a déjà peur. Il est neuf heures du matin et je m'envoie une première lampée. Je traverse la place du village en direction de ma section. J'entends des cris, de l'agitation, on court dans tous les sens, je vois Chabert qui saute comme un diable.
    - qu'est-ce que c'est que ce bordel, Chabert?
    - Mo, mon lieutenant, il... il y a du mal. Il reprend son souffle.
    - Les chevaux mon lieutenant.
    Je m'avance, écartant les deuxième classe qui s'affairent en désordre.
    Un de mes gars gît sur le sol, à moitié éventré, la tête supportée par deux de ses camarades. - Nom de Dieu, qu'est-ce qui s'est passé? Chabert, qui a
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