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La chambre ardente

La chambre ardente

Titel: La chambre ardente
Autoren: Max Gallo
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demandé au procureur Harlay de se présenter à lui afin de lui dire « tout ce qui se passe dans la suite de l'affaire de la dame de Brinvilliers ».
    Il rappelle que, peu après son arrestation, évoquant les poisons dont elle s'était servie – arsenic et vitriol, venin de crapaud, tous d'une efficacité redoutable, laissant « l'estomac et le duodénum de la victime tout noirs, s'en allant par morceaux, le foie gangrené et brûlé », comme l'avait montré l'autopsie de l'un de ses frères –, la Brinvilliers avait déclaré « que la moitié des gens de condition en ont aussi et sont engagés dans ce misérable commerce de poison, et je les perdrais si je voulais parler ».
    Avait-elle communiqué ces noms au procureur général avant de partir pour l'échafaud dans le tombereau aux immondices ?
    Nicolas Gabriel de La Reynie ne le dit pas.
    Ou plutôt, Illustrissimes Seigneuries, il rappelle le décès suspect de Mme Henriette, épouse du duc d'Orléans, mais aussi la disparition de Hugues de Lionne, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, en guerre avec son épouse aux moeurs libertines, ou encore la mort du comte de Soissons dont la mère avait exigé une autopsie, persuadée qu'il avait été empoisonné par son épouse Olympe Mancini, nièce de Mazarin et jadis grand amour du jeune Louis XIV.
    La Reynie indique aussi – mais sans rapporter ces propos à la conversation de la marquise de Brinvilliers avec le procureur général – que dans l'entourage de la Brinvilliers et de son amant le chevalier de Sainte-Croix, il y avait des domestiques – les Guesdon – qu'on retrouvait, sans pouvoir les impliquer, dans d'autres affaires d'empoisonnements. Il évoque un complot de proches de Nicolas Fouquet, le surintendant enfermé par décision du Roi en 1664, qui voulaient empoisonner à la fois Colbert et le Roi.
    Ces allusions indiquent que La Reynie commençait à penser que les alchimistes, les devineresses, les prêtres sacrilèges, les « empoisonneurs » formaient une sorte de confrérie avec ses rituels, ses liens étroits, ses savoirs échangés, et qu'ils offraient à qui le désirait, contre argent comptant, les services attendus : deviner et orienter l'avenir, élaborer des drogues pour faire naître un amour, supprimer un rival.
    En 1673, Nicolas Gabriel de La Reynie écrit que les prêtres de Notre-Dame qui recevaient des pénitents l'avaient averti que « la plupart de ceux qui se confessent à eux depuis quelque temps s'accusent d'avoir empoisonné quelqu'un ».
    La Reynie fait aussi état d'une réflexion de la marquise de Sévigné qui, d'une fenêtre, avait assisté à la décapitation de la Brinvilliers :
    « Enfin c'en est fait, avait-elle dit, la Brinvilliers est en l'air, son pauvre petit corps a été jeté après l'exécution dans un fort grand feu, et les cendres au vent, de sorte que nous la respirerons, et, par la communication des petits esprits, il nous prendra quelque humeur empoisonnante dont nous serons tous étonnés. »
    J'ai rappelé il y a quelques jours ces propos en bavardant avec le duc de Saint-Simon qui me répondit de sa voix sifflante :
    « Il me semble qu'il y ait, dans de certains temps, des modes de crimes comme d'habits. Du temps de la Voisin et de la Brinvilliers, ce n'étaient qu'empoisonnements. »
    1 18 litres.

V.
    « Une artiste en poisons »
    Cette mode des poisons qu'en persiflant le duc de Saint-Simon a évoquée devant moi alors qu'en cette année 1709, mêlés à la foule des courtisans, nous attendions l'apparition de Sa Majesté Louis XIV, Nicolas Gabriel de La Reynie en décèle l'origine non seulement dans les crimes de la Brinvilliers, mais dans les empoisonnements réalisés par une demoiselle La Grange que j'ai vu pendre en place de Grève, un soir du mois de février 1679, deux ans donc après l'exécution de la marquise.
    « Cette demoiselle La Grange, écrit La Reynie, était artiste en poisons et en faisait commerce. Elle fut la première à en enseigner l'usage et à mettre les armes à la main à différentes personnes qui ne se portèrent à bien des crimes que par la facilité qu'elles se trouvaient de les commettre. »
    En lisant ces lignes du lieutenant général de police, j'ai été surpris.
    Lorsqu'on avait commencé à parler d'elle, la demoiselle La Grange m'était apparue comme l'une de ces femmes avides qui, disposant de leur corps et de leur séduction comme d'une terre à louer, l'avait
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