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La chambre ardente

La chambre ardente

Titel: La chambre ardente
Autoren: Max Gallo
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est allée fouiller, peu après l'emprisonnement de Fouquet, la propriété de l'un des financiers qui soutenaient le surintendant.
    Là, le financier était censé avoir enfoui une partie de sa fortune pour la dissimuler aux agents du Roi et de Colbert chargés de la lui confisquer.
    Les deux femmes étaient revenues bredouilles.
    Mais leur initiative montrait que La Grange n'était pas seulement une criminelle commune, mais un maillon de cette toile d'empoisonneurs, de faux-monnayeurs, d'alchimistes vendant leurs services aux Grands qui entendaient venger Fouquet, empoisonner le duc de Savoie et, pis encore, tuer Sa Majesté le roi de France.

    Le 4 janvier 1679, La Reynie fit arrêter la femme Bosse. On s'empara d'elle alors qu'elle était couchée côte à côte avec ses deux fils et sa fille dans le seul lit de leur logis, rue du Grand-Huleu.
    On décida de garder secrète cette arrestation et de ne point dévoiler par un procès les liens qui unissaient la demoiselle La Grange, l'abbé Nail et les autres emprisonnés, à commencer par la Bosse.
    Et c'est dans l'indifférence générale, comme s'il ne s'était agi que de châtier deux criminels complices dans l'empoisonnement d'un vieil avocat fortuné qu'ils voulaient dépouiller, qu'on pendit en place de Grève la demoiselle La Grange et l'abbé Nail, un soir de février 1679.

VI.
    Au bord du grand secret
    J'ai relu, Illustrissimes Seigneuries, les Relations que je vous adressai en cette année 1679 qui vit pendre la demoiselle La Grange et l'abbé Nail.
    J'y évoquais le traité de Nimègue et de Saint-Germain, l'alliance qui se nouait entre le grand électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, et le roi de France.
    Je prévoyais que la destruction de tous les châteaux d'Alsace par les troupes de Louis XIV allait conduire à la « réunion » de cette province au royaume de France.
    J'ai l'orgueil de penser, Illustrissimes Seigneuries, que je ne m'étais point trompé.
    Et cependant, aujourd'hui, trente ans plus tard, sachant ce que j'ai appris à la lecture des copies des documents de Nicolas Gabriel de La Reynie, je n'écrirais pas les mêmes Relations .

    L'année 1679 telle que je la vois aujourd'hui a deux faces.
    L'une, glorieuse et militaire, révélant la puissance du Roi-Soleil, l'empreinte de son royaume sur toute l'Europe, de Strasbourg à Nimègue, des Pyrénées au Brandebourg.
    Et l'autre face, drapée de noir, éclairée seulement par des flambeaux et des torches, comme l'est la salle à demi obscure située dans les bâtiments de l'Arsenal, à quelques pas de la Bastille.
    C'est là que se réunit la Chambre ardente dont Louis XIV vient de décréter la constitution afin que les juges qui la composent puissent enquêter sur les affaires de poisons et juger les empoisonneurs.

    C'est aussi l'année où je devins l'ami du lieutenant général de police.
    La Reynie était un homme de plus en plus tourmenté par ce qu'il découvrait, donc de plus en plus écrasé par les responsabilités de sa charge.
    Il avait la tâche de démasquer les complots qui se tramaient contre le Roi.
    Il devait enfoncer le plus profondément possible, dans ces tumeurs, le glaive de la justice.
    Et, en même temps, il devait garder le secret absolu sur ce qu'il apprenait.

    Lorsqu'il s'installait en face de moi, une ou deux fois par semaine, il ne s'apprêtait pas à me confier l'état de ses enquêtes. Et je n'avais pas le mauvais goût de tenter de lui soutirer des informations.
    Il lui suffisait de pouvoir me montrer, sans que je songe à en tirer avantage, sa fatigue, ses doutes et jusqu'à son effarement, son désarroi.
    Il me disait alors :
    – Le royaume est gangrené.
    Il murmurait plusieurs fois cette phrase, ajoutant :
    – Qui le sait ? Qui le voit ? Qui ose sonder les marécages ?
    Il se taisait puis reprenait :
    – Leurs eaux croupissent aussi là où l'on n'imagine trouver que grandeur, honneur et vertu.
    – À la Cour ? demandais-je.
    Il me répondait d'un hochement de tête avant de dire :
    – À la Cour, dans l'antichambre et même dans la chambre du Roi.
    Il se levait aussitôt après, comme honteux et effaré par ce qu'il m'avait révélé de sa réflexion.
    Mais, avant de partir, il ajoutait :
    – Le Roi est sacré. Le Roi est l'élu de Dieu. Je le sers de toutes mes forces.
    Mais je ne pouvais oublier les « marécages » pestilentiels qu'il m'avait fait entrevoir.

    C'est cet état du royaume de France, ce
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