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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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compagnonnique contribuait ensuite à souder un à un
les maillons de la chaîne d’union commencée il y a bien longtemps, lors de la
construction du temple de Salomon.
    Au mois de novembre arriva sur le chantier un gaillard d’un
mètre quatre-vingt-dix. Les cheveux châtain clair, les yeux verts, éclairaient
un visage rond garni d’un petit pois chiche en haut de la joue gauche.
    Blois aperçut de loin ce gaillard aux larges épaules, poilu
comme un orang-outan.
    Le nouveau venu leva son bras droit, en repliant légèrement
les doigts comme le ferait un plantigrade debout sur ses pattes arrière.
    — Salut à toi ! lança Beauceron l’Ours.
    — Quelle joie de te voir ici ! répondit Blois La
Science.
    Les deux hommes se donnèrent l’accolade fraternelle.
    — Tu viens pour travailler ?
    — Et comment ! les chantiers, ça me connaît. As-tu
de la tâche à me donner, compagnon ?
    — Ça tombe bien, j’ai deux gars malades ; tu les
remplaceras.
    — En faisant un petit effort je prendrai le travail
d’un troisième s’il se couche aussi, ajouta l’Ours en riant.
    Beauceron, très bon charpentier, possédait l’œil et la
main ; mais il désirait passer l’examen du deuxième degré.
    Ainsi, tout l’hiver, il se joignit aux élèves. Blois ne le
ménageait pas et des gouttelettes perlaient aux coins de ses yeux lorsqu’il
recevait des observations un peu brutales. Il recommençait alors ses traits et
ses calculs sans rien dire, étouffant son amour-propre.
    En mars, à la Saint-Joseph, il savait que Blois le
présenterait à Tours et le soutiendrait devant les maîtres de la loge.
    Les travaux du château s’achevaient. La Nanette avait repris
depuis belle lurette ses bonnes couleurs et sa poitrine bien garnie. Adolphe
poussait à merveille. Il trottait en s’accrochant à tout ce qui pouvait lui
servir de support. Beauceron et Le Nantais venaient le voir et jouaient avec
lui.
    — Il a trois hommes pour lui tout seul, riait La Nanette.
Y’en a qui n’ont pas de père. Lui au moins il ne manquera pas de soutien.
    — Le Nantais et moi sommes ses parrains, renvoya
Beauceron… et sans passer par le confessionnal. Crois-moi c’est un autre
engagement. Foi de compagnon !
    À la Saint-Joseph, Beauceron fut reçu au deuxième degré, à
la fin du troisième jour.
    — On se sent tout minable et petit, déclara-t-il à
Blois, en sortant de la loge de Tours. Heureusement, je sentais ton regard.
Aussi, lorsque j’hésitais, je me souvenais instantanément de tes engueulades et
tout me revenait. J’entendais ta voix, vieux frangin.
    — Ton nouveau grade, que tu méritais, te rendras
service. Je suis fier de toi.
    — Et quel chantier attaquons-nous après le
château ?
    — Nous allons voir, ça ne manque pas.
    De retour à Saint-Aignan, Blois alla proposer ses services
aux bourgeois et aux commerçants qui l’éconduirent. Monsieur le prince de
Chalais ne le reçut même pas. Pourtant des chantiers s’ouvraient dans
différents points de la ville. Blois était partagé entre la révolte et la
vengeance.
    Plusieurs fois, il avait croisé le vicaire s’appuyant sur
une canne. Les petits yeux du rastichon le fixaient haineusement alors que ses
lèvres minces esquissaient un sourire pour le défier.
    Blois, tout en marchant réfléchissait et serrait les poings
dans ses poches : « Ces hommes-là ne changent pas. Une rancune
aveugle mine leur cœur. Ce faux jeton a monté le village contre moi. Oh !
bien sûr, je suis en partie responsable. Je le reconnais ; je ne me suis
pas opposé à sa dégringolade, et il n’a jamais douté que c’était moi le seul
responsable. Il a échoué dans sa tentative de nous réduire, moi et les miens, à
sa volonté ; alors il me le fait payer. »
    Blois n’était pas homme à se laisser abattre. Il comptait
ses maigres économies cachées sous les draps de l’armoire. Nanette pleurait
sans bruit, serrant en boule son petit mouchoir dans une main.
    — Qu’allons-nous devenir ? dit-elle timidement.
    — On va se battre sur un autre terrain, puisque tous
ces moutons suivent leur berger du diable. Une portion de la forêt du Gros Bois
est mise en vente. Le notaire m’aidera à l’acheter. Elle touche l’étang des
Barons. Le dimanche, j’irai à la pêche avec mon coterie. Tu feras de l’anguille
fumée. Cela remplacera le cochon. Nous abattrons quelques gros arbres. Ainsi,
les autres pourront prendre de la taille. Et puis je
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