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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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total.
    — Merci, Le Nantais. Oui mes parents étaient dans
l’aisance. Mon père ne se comporta jamais en hobereau. La franc-maçonnerie lui
avait montré le chemin de la liberté, du respect de l’autre, de l’amour, de la
tolérance. Quant à ma mère, je l’ai toujours considérée comme une sainte
laïque.
    — Alors, ton drôle a de qui tenir, ami. Il ne lui reste
plus qu’à marcher droit. Allons travailler pour lui, pour les nôtres, pour
nous.
    L’après-midi le vicaire revint. Il s’adressa comme
d’habitude au Nantais :
    — Il faut que je rencontre M. Bernardeau, c’est urgent.
    — Vous avez de la chance, Monsieur l’abbé, il se trouve
de l’autre côté de ce passage, là près de la fenêtre. Passez par l’échafaudage
que vous voyez sur la droite, grimpez, mais faites attention. C’est à vos risques
et périls, je vous ai prévenu.
    — Ne vous inquiétez pas, j’y vais.
    — Va au casse-gueule, pilote de cimetière, marmonna Le
Nantais.
    Le vicaire marcha à petits pas décidés, monta la première
échelle, puis fit quelques mètres vers la seconde, posa ses deux mains sur les
montants, recula un peu pour prendre son élan. Son pied droit s’appuya sur une
planche qui dérapa et partit dans le vide. Le vicaire surpris lâcha l’échelle
et suivit le morceau de bois.
    Le Nantais assista calmement à la chute. Il se précipita, en
criant : « à l’aide ».
    Les ouvriers transportèrent l’abbé au presbytère. Le médecin
appelé en urgence constata un enfoncement des côtes et deux fractures sur la
jambe droite.
    Durant sept mois Blois et Le Nantais ne revirent plus
l’homme à la soutane tachée et aux ongles noirs.
    Monsieur le prince de Chalais resta à Paris. Personne ne
parla plus du baptême d’Aldolphe.
     
    Les saisons tissent le ciel sur le métier du temps. Le
printemps fait éclater les bourgeons des arbres dans le parc du château.
    En été, sous le grand soleil, les vieilles maisons des XI e et XII e siècles aux façades en encorbellement, garnies de pans de
bois et de statuettes d’angles, flanquées de colonnades exhalent leur beauté
entre ombre et lumière.
    En automne, les pluies se perdent sur les ardoises des toits
pointus avant d’être vomies par des chimères dans les petites rues étroites et
en pente. Le Cher est leur dernier refuge. Dominant cette petite ville de
Saint-Aignan le splendide château renaissance est relié à l’église, pur chef-d’œuvre
roman, par un énorme escalier de plus de cent marches.
    Sur le Cher, un double pont en pierre permettait d’atteindre
l’autre berge en passant sur une île où tournaient les très grandes roues d’un
moulin de quatre étages, frappant une eau tumultueuse.
    Durant l’hiver Blois La Science et Le Nantais, la journée
faite et le dîner pris, se retiraient dans la soupente de leurs maisons
jumelles. L’espace assez grand était chauffé par un poêle alimenté des rognures
de chantiers. Tous les apprentis intéressés venaient les retrouver pour
apprendre le dessin. Beaucoup étaient analphabètes ou presque. Des tables
rafistolées leur servaient de supports, éclairées par une bougie posée entre
trois clous. La spécialité du Nantais était la coupe de la pierre ; celle
de Blois, la coupe du bois. Dans cette école improvisée, les grosses mains des
hommes maniaient l’équerre, le compas et la règle. Les débutants un peu gauches
tiraient des traits semblables à des sillons de charrue sur leur feuille de
papier. Le Nantais se fâchait tandis que Blois les encourageait à recommencer.
Alors, avec beaucoup de patience, tous ces hommes apprenaient les principes de
base de la stéréotomie. Ce dernier élément restait une particularité du
compagnonnage français. Il permettait aux adeptes sélectionnés, désirant passer
les épreuves de compagnons, d’étudier et de tracer les volumes en pénétration,
ainsi que de considérer les imperfections de surface. Le tracé simple et non
mathématique était basé sur les proportions réalisées à partir de l’équerre et
du compas. On pouvait ainsi établir les volumes et en finale débiter pierre et
bois.
    Le maître compagnon se devait de faire passer le
« savoir » aux apprentis, afin qu’un jour ils puissent à leur tour se
présenter aux examens devant une assemblée de maîtres qui les recevaient
compagnons. Pour les maîtres ce devoir était sacré. Seule la pérennité du
savoir-faire et de l’esprit
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