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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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l’abbé. Asseyez-vous. Excusez le
désordre ; mais c’est le premier jour que je me lève.
    — Ce n’est rien ma fille. Comment va l’enfant ?
    Nanette fit disparaître en un tour de mains les langes
sales, recouvrit son lit de la couette, débarrassa la table des assiettes et
des verres et remit une bûche dans la cheminée.
    Le vicaire était une personne de taille moyenne, aux cheveux
bruns, si dégarni qu’il se formait naturellement une grande tonsure. Au milieu
d’un visage pâle, un nez aquilin et des lèvres minces lui donnaient un réel
aspect de bête de proie. Il croisait sur sa soutane tachée de longs doigts aux
ongles sales.
    Nanette prit un tabouret et s’assit de l’autre côté de la
table en face de son visiteur.
    — Pour ce qui est du petit, il pousse bien.
    — Gloire à Dieu ma fille, lança-t-il d’une voix
nasillarde.
    — Voulez-vous le voir, mon père ?
    — Laissons-le dormir. Je le verrai le jour de son
baptême. À propos, vous avez fixé la date, votre mari et vous ?
    Nanette, fort embarrassée, fut sauvée par l’arrivée de Blois
La Science.
    — Bonjour Monsieur l’abbé.
    — Bonjour mon fils. Je faisais une petite visite à
votre femme.
    — Je vous en remercie.
    Puis, s’adressant à Nanette :
    — As-tu un autre treillis à me donner ; je me suis
accroché le pantalon à un clou qui dépassait.
    Nanette se leva, ouvrit la grande armoire reçue de ses
parents le jour de ses noces. Elle fouilla à un endroit bien précis et en tira
un pantalon de lin grège.
    — Tiens ! lui dit-elle, tu vas le passer.
Change-toi.
    — C’est que… répondit Blois en regardant le vicaire,
faudrait que vous me laissiez un moment Monsieur l’abbé.
    Le prêtre se leva et se dirigea vers la porte.
    — Je vous laisse, mon fils. Je reviendrai vous parler
du baptême du petit ; puisque Monsieur le Prince désire être le parrain.
    — Ce n’est pas urgent, répondit Blois, excédé.
    — Si, ça l’est, claqua l’abbé. Vous n’allez pas laisser
cet enfant avec le péché sur lui.
    — Faut pas exagérer ; c’est un innocent, il ne se
rend compte de rien.
    — Et s’il lui arrivait malheur… ?
    Nanette se signa.
    — Le Seigneur ne le reconnaîtrait pas. Le plus tôt sera
le mieux. À moins que vous ne soyez contre, mon fils. En ce cas c’est une
lourde charge que vous ne pourrez assumer au ciel.
    — Laissez ma charge à terre. Mes épaules ont l’habitude
de mettre en place les pierres et madriers, ajouta-t-il en haussant la voix.
    — Vous blasphémez mon fils. Vous êtes un père indigne
de cet enfant.
    — Monsieur l’abbé, je me calme, mais sachez que je
ferai baptiser mes mioches lorsque nous en aurons sept… et tous ensemble le
même jour. Au moins Monsieur le Prince aura toute la nichée.
    — La colère vous égare. J’ai oublié déjà ce que vous
venez de dire. Le diable rôde dans cette maison. Vade Rétro Satanas, lança-t-il
de sa voix nasillarde.
    Le vicaire remit son chapeau tricorne et quitta la pièce.
Blois referma la porte. Nanette pleurait et, presque en écho, l’enfant se mit à
hurler.
    — C’est l’heure de sa tétée à ce pauvre ange, donne-lui
à manger Nanette et je t’interdis d’ouvrir la porte à ce pot de cirage. Il nous
jetterait le mauvais œil.
    Rapidement il changea de pantalon et, avant de repartir,
alla embrasser Nanette en lui glissant dans l’oreille :
    — Ne t’inquiète pas ma Nanette. Tu m’as fait le plus
beau gosse du village. Laisse passer ce nuage noir, le ciel sera bleu après.
    — Mais, Adolphe, qu’allons nous faire ? Vois la
gravité de la situation. Il est en état de péché mortel… et puis pour le
baptiser il faut qu’on se marie à l’église. La mairie ça ne compte pas.
    — Je vais réfléchir à tout ça, ne pleure plus et
laisse-moi faire.
    — Mais tu m’avais promis, Adolphe !
    — Je sais. Laisse-moi le temps. J’ai appris que
Monsieur le Prince partait en fin de semaine pour Paris. À son retour j’aurai
pris ma décision.
    En passant devant le berceau, Blois regarda son enfant. Un
bon sourire éclaira son visage. Il se pencha et lui dit tout bas :
    — T’inquiète mon petit drôle, ton père est là et
personne ne te touchera de ses pattes sales, foi de compagnon.
    Quelques jours passèrent. Blois ne revit plus Monsieur le
prince de Chalais. Le vicaire, lui, revint voir Nanette ; mais celle-ci
n’osa pas le dire à son mari. Une voisine bien
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