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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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intentionnée prévint Le Nantais
qui l’en informa.
    — Moi je te dis ce qui se passe, t’as pas fini de
l’avoir sur le dos, le rastichon, mon pauvre Blois. Il est tenace et de mèche
avec le Prince.
    — C’est tout le même treuil. L’un fait la poulie,
l’autre la corde pour me la passer autour du cou. Nom de Dieu ! Comment
nous en sortir ?
    — Faut aussi que je te dise, mon coterie, que l’autre
jour, pendant que tu surveillais le déchargement des bois, Monsieur Samson est
venu ici, a parlé avec le prince. Comme par hasard le cureton s’est ramené avec
ses allures de faux-cul. Samson a eu des mots aimables pour toi et ton travail,
mais l’abbé en a aussitôt profité pour glisser assez fort afin que je te le
répète : « Le travail bien fait est pour la gloire de Dieu ;
mais, seuls, les bons chrétiens ont droit à ses faveurs. »
    — Et qu’a dit Samson ?
    — Il a été choqué, tu connais ses idées. Il a
simplement répondu qu’il venait pour contrôler le travail, qu’il le trouvait
parfait et que chacun devait s’occuper de ce qui le regarde. Tout homme a
besoin de pain pour lui et sa famille.
    — Alors qu’a fait le faucon ?
    — Il a grimacé un sourire et s’en est allé.
    — Mais je vais l’étrangler, rugit Blois, il ne fera pas
la loi sur un chantier de compagnons.
    — Calme-toi. Il faut agir, non en force mais en
douceur ; je dirai même comme lui : « en jésuite ». Ne rien
faire, voir et attendre le moment opportun. Voilà la finesse !
    — Comment vois-tu ça, toi, Le Nantais ?
    — Il faut qu’il ne s’aperçoive de rien et surtout que
tu ne t’en mêles pas. Moi on me connaît et personne ne me cherche noise. C’est
pourquoi s’il lui arrivait une bricole en ton absence du chantier, ce serait la
faute à « pas de chance ».
    — Tu veux lui faire son affaire, dit Blois en fronçant
ses gros sourcils ?
    — On ne lui donnera pas un billet pour le ciel,
répondit en souriant Le Nantais ; mais juste une bonne semonce qui nous en
débarrassera un long moment. Je te répète, laisse-moi faire. Allez !
viens, on reprend notre tâche.
    Durant quelque temps les esprits se calmèrent, mais tous les
jours le vicaire rôdait et interrogeait Le Nantais :
    — Vous ne pourriez pas me dire où se trouve votre ami
Bernardeau ?
    — Oh ! vous savez Monsieur l’abbé, il est là et
puis là… en un mot partout où il y a une difficulté. Il est si adroit que
chacun préfère l’appeler que de risquer de faire une bévue. Tenez, regardez en
haut de la tour, vous le voyez. Il n’a pas le vertige et il travaille vite.
    — Mais je peux aller le rejoindre, je n’ai pas peur,
Dieu est avec moi, je ne risque rien.
    — Détrompez-vous l’abbé. Nos échafaudages sont solides,
mais une planche peut être mal arrimée, elle bascule… et hop ! on se
retrouve le cul par terre… oh ! pardon, Monsieur l’abbé.
    — À vous revoir, mon fils. Je reviendrai.
    Lors des pauses de casse-croûte Le Nantais et Blois
échangeaient leurs idées à cœur ouvert comme ils le faisaient depuis Bordeaux à
l’école de Philomatique [2] .
    — Sache bien, Le Nantais, que je ne me sens pas
autorisé par la loi de la raison à disposer de mon enfant, alors qu’il vient de
naître. Plus tard, il choisira ses voies et fera ce qu’il voudra. Je ne puis
prendre pour lui la responsabilité d’un choix. Toutes ces idées sont maudites
par les curés parce qu’ils ont peur de perdre leur pouvoir sur la clientèle,
d’autant plus qu’ils sentent que la République va triompher enfin.
    — La liberté de pensée, mon coterie, commence aux
premiers jours de la vie. À chacun de choisir les outils, les bagages qu’il
prendra en toute connaissance pour faire sa route.
    — Tu as mille fois raison mon frangin. On te craint et
on t’admire. Les études que tu as faites t’ont donné la science. Nul ne repasse
derrière ton travail. Tu as une jolie femme, solide, bien plantée, un vrai type
de Solognote. On l’admire lorsqu’elle porte son bonnet à dentelles. Votre
enfant a déjà de la race car moi, je sais que du sang noble coule dans ses
veines et qu’un certain château aux alentours d’Orléans fut la propriété de ses
ancêtres.
    — Nom de Dieu ! Comment sais-tu cela ?…
    — À Bordeaux, pendant nos études, ta malle restait
toujours ouverte ; sans fouiller j’ai aperçu certaines choses ! Mais
tout cela fait partie d’un secret
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