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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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ferai un enclos pour y
mettre quelques chèvres. Les fromages que nous ne vendrons pas serviront à
notre quotidien. On s’en sortira ma fille. Crois en ton homme ; il
défendra chèrement sa peau et celle des siens.
    — Je ferai tout ce que tu jugeras bien, Adolphe. Mais
je me demande pourquoi les gens ne te confient plus de travail ?
    — Pose cette question au faucon noir. Il a fait le vide
autour de nous par dépit ou vengeance. C’est honteux d’agir ainsi. Mettre au
ban une famille qui ne cherche de noise à personne et qui veut vivre libre. De
l’intolérance farouche, voilà ce qu’il pratique ce vendeur de paradis. Je ne
céderai pas, Nanette. Nous ne sommes ni faibles ni peureux. Là-dessus je vais
voir à Couffi un petit troupeau de « napoléon III » ; elles
au moins donnent du lait.
    Les nouvelles de Paris arrivaient à Saint-Aignan avec
quelque retard, déformées par le petit journal local. On parlait peu des grèves
qui pourtant se multipliaient ici et là. Les obsèques de Victor Noir tué en
duel d’un coup de pistolet par le prince Pierre Bonaparte eurent juste droit à
la fin de la chronique nécrologique. L’aventure mexicaine avait été un échec
camouflé par des articles relatant l’énorme effort que faisait l’empereur pour
la modernisation du pays et le travail qu’il offrait ainsi aux ouvriers. De
temps à autre Blois arrivait à lire sous le manteau une petite feuille de
nouvelles imprimées à Tours par des compagnons typographes.
    Beauceron l’Ours repartit sur les routes à la recherche d’un
travail. Le Nantais aida Blois à la coupe et à la livraison de bois. Ce dernier
acheta des chevaux et des charrettes. Nanette allait traire tous les jours ses
chèvres, accompagnée de son fils, et revenait confectionner les fromages à la
maison.
    Le 27 octobre 1869 naquit la petite Marie qui, d’après Le
Nantais, « était tout le portrait de sa mère ».
    L’année suivante, le 19 juillet 1870, Napoléon III, se
voyant rejeté des puissances de l’Europe et restant le jouet de Bismarck, lui
déclara la guerre. Les hommes furent mobilisés et Blois partit avec ses chevaux
réquisitionnés. Il rencontra à Versailles Beauceron l’Ours qui se dirigeait
vers Sedan mais leurs routes se séparèrent rapidement.
    Le 4 septembre l’Empire français s’effondrait. Le
gouvernement de Défense nationale poursuivit en vain la lutte. Le 10 mai 1871,
par le traité de Francfort, la France était mutilée de l’Alsace-Lorraine et de
quelques nouvelles colonies en Afrique. Elle dut aussi payer à Bismarck cinq
milliards de francs or.
    Blois La Science démobilisé revint au pays ramenant
seulement trois chevaux efflanqués et deux charrettes en bien mauvais état.
Durant ce temps-là Nanette et les enfants avaient survécu grâce au Nantais qui
par d’heureux concours de circonstances n’avait pas été mobilisé.
    — Tu sais Blois, on ne nous a pas fait de cadeau
pendant ton absence. La mairie et le château distribuaient des secours…
    — Et Nanette n’a rien eu, enchaîna Blois.
    — Bernique ! mon frangin. Toujours l’épée de Damoclès
au-dessus de leur tête. Les enfants non baptisés n’ont pas faim, donc ne
reçoivent rien.
    — Les maudits, hurla Blois. Jusqu’au bout ils nous
feront leur guerre. Heureusement que tu étais là.
    — Oh ! je n’ai pas fait grand-chose, juste
quelques travaux pour acheter du pain. Et puis Nanette a continué à panser ses
chèvres. On va remettre tes cames en état, réparer les dégâts des charrettes et
tu pourras continuer.
    — Mais je n’ai plus un sou, mon frère, et toi tu ne
peux rester là. Il te faut reprendre la route et chercher du travail. Grand
merci de m’avoir conservé les miens. Je ne l’oublierai jamais.
    Le Nantais resta encore deux semaines pour aider
Blois ; puis il reprit la route.
    Les Bernardeau placèrent leurs espoirs dans la III e République mais à Saint-Aignan, comme dans bien d’autres petites villes de
France, les choses ne changèrent pas du jour au lendemain. Les luttes
politiques restaient aiguës. D’un côté les paysans et vignerons, presque tous
républicains soutenus par le député ; de l’autre, la ville de Saint-Aignan
dominée par le château et l’Église.
    Le gouvernement de la République vota des crédits pour la
construction d’école, et M. Samson, l’architecte des Monuments historiques
sauva Blois La Science de la misère en lui confiant différents
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