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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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AVANT-PROPOS
    Je fus, il y a longtemps, locataire d’une grande et vieille maison.
Au deuxième étage, dans un vaste grenier, les occupants successifs avaient
entreposé et oublié leur bric-à-brac.
    Je décidai lors de mon emménagement d’y déposer, moi aussi,
dans un coin, ce que je voulais conserver hors des touche-à-tout.
    La chapelière de mes grands-parents trouva refuge sous les
pannes et chantignolles en châtaignier.
    Cette énorme caisse au couvercle en dos d’âne a toujours
représenté le coffre de mon trésor. Elle contient encore aujourd’hui des notes,
papiers, cahiers, archives, petits objets sans aucune valeur : une poupée
empaillée, un masque à gaz, un carnet de tickets d’alimentation, etc.
Bref ! Tout ce qui est inutile aux autres et… peut-être également à
moi-même. Mais à quoi bon raisonner à ce sujet ?
    Environ tous les dix ans j’ouvre ce reposoir pour en faire
l’inventaire avec une certaine délectation.
    Il y a trois ans mes yeux et mes mains rencontrèrent trois
petits carnets couverts de moleskine noire. J’aurais juré y trouver l’écriture
moulée de ma mère, mais ils recelaient bien autre chose.
    Après les avoir parcourus, lus, relus, je découvris des
notes écrites par un homme qui m’était inconnu.
    Çà et là quelques lieux, noms, situations m’apparurent. Dans
un français et une syntaxe allègres vivaient des scènes ébauchées, tandis que
de rares dates se chevauchaient en un ordre disparate et que de grands
« blancs » me surprenaient.
    À la fin d’un des carnets, je découvris une signature à peu
près lisible.
    L’auteur « fantôme » était né à
Saint-Aignan-sur-Cher. Je décidai de rendre visite aux bureaux de l’état civil
de la mairie qui authentifièrent mon personnage et sa famille. Je consacrai le
reste de ma journée à m’imprégner du cadre de ce gros et charmant village en
aplomb sur la rivière, visitant ses rues, ruelles et son château.
    Adolphe Bernardeau avait été compagnon du Tour de France.
Qui n’a pas entendu parler de cette grande famille ? Ces cinq mots ne
peuvent inspirer que respect, curiosité, puis à chacun d’entre nous d’imaginer
leur origine, leur parcours initiatique et la réalisation de leurs
chefs-d’œuvre tels qu’on peut les contempler encore de nos jours dans les
musées.
    Les réelles qualités morales de ces hommes hors du commun,
leur discrétion, leur soif éternelle d’apprendre et de transmettre secrètement
leur savoir, m’ont envahi.
    J’ai donc, tout naturellement, fait corps et âme avec
Bernardeau au cours de mon long travail, m’inspirant de ses jugements,
réactions, traits de caractère. Son univers m’enchantait d’autant plus qu’il
vécut dans une période de notre Histoire que j’apprécie particulièrement.
    1867 - 1952, période durant laquelle le monde a
évolué avec une rare rapidité.
    Les luttes contre l’Église omniprésente, les lois sociales
truquées, les façons de travailler trouvaient leur raison d’être dans les
inventions et réalisations techniques, la volonté de liberté, la recherche de
nouvelles règles de conduite, de pensée.
    Si le compagnonnage est resté le même dans son écrin, les
compagnons de cette période en ont transcendé les valeurs. Mon grand ami
Adolphe Bernardeau, m’avait sans le prévoir tissé le canevas et imprimé en
demi-teinte les esquisses de ses expériences. Quoi de plus agréable de plancher
sur ses voyages mêlés de joies et de douleurs, mais aussi de rectitude,
d’amitiés indéfectibles, de respect et d’amour des siens. Adolphe n’est pas un
personnage de fiction, mais un homme simple, bon, fidèle à ses convictions, à
qui je dois cet ouvrage et l’immense joie de lui avoir redonné vie.

 
PROLOGUE
    À Saint-Aignan-sur-Cher, comme tous les matins, les mêmes
hommes se retrouvaient chez la mère Bodin, qui tenait une guinguette le long de
la rivière à côté de l’abattoir.
    Le ciel prêtait à l’onde des reflets plombés. Toute la nuit
il avait neigé. Le village dormait, silencieux, blotti sous une immense couette
blanche.
    Dans la salle, autour d’une longue table de chêne, les voix
fortes des compagnons résonnaient. Les fillettes de vin blanc vidées avec
ardeur montaient la garde face aux verres à demi plein, aux grosses boules de
pain et aux morceaux de lard fumé. Parmi ces gaillards, de tailles et de
carrures imposantes, se tenait Poitevin le maréchal qui, durant
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