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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre
Autoren: Studs Terkell
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passé toute
mon enfance à l’extrémité orientale du Tennessee, dans les monts Cumberland. Mon
père a travaillé à la mine pendant plus de quarante ans. »
    J’étais vraiment jeune, dix-sept ans, quand je me suis
engagé dans la marine. C’était le jour de mon anniversaire, en juillet 1945. Et
j’ai passé d’excellents moments dans la marine. J’ai cinquante-cinq ans, et j’ai
l’impression que c’était hier.
    Je me suis engagé à Norfolk en Virginie. Le dernier jour de
juillet j’ai embarqué sur le porte-avions USS Randall. On faisait route
vers l’Angleterre quand on a été touchés par une mine. On a été transbordés sur
un contre-torpilleur, et après avoir traversé le canal de Panama on est arrivés
en Californie. Quand la guerre s’est terminée on faisait route vers le Japon. On
a participé à deux petites batailles sans grande importance dans les
Philippines. Puis on est retournés à Pearl Harbor, et enfin aux Etats-Unis. C’est
alors qu’on a entendu dire qu’on allait repartir pour prendre part à une autre
expérience.
    À l’époque le grand sujet de conversation c’étaient les deux
grosses bombes qu’on avait larguées sur le Japon. Personne ne savait de quoi il
s’agissait, et c’est pour ça qu’ils nous ont dit qu’on repartait. On devait
assister à deux expériences. Leur nom de code était opération Crossroads. Elles
devaient avoir lieu dans les îles Marshall, sur l’atoll de Bikini. On n’en
savait pas plus. On n’avait pas la moindre idée de ce qui nous attendait, et
pas seulement moi, tous les autres jeunes marins à bord étaient dans mon cas. On
était sur le contre-torpilleur USS Alan M. Sumner. On nous avait
dit qu’il n’y aurait aucun danger, juste une bonne partie de rigolade.
    Qui vous avait dit ça ?
    Par haut-parleur sur le bateau, comme toutes les
informations. Ouais, je m’en souviens parfaitement. Je me souviens aussi très
bien de notre arrivée, avant le lancement de la bombe, il a fallu qu’on signe
ce qu’ils appelaient un « serment de loyauté ». On s’engageait à ne
pas parler de l’explosion de la bombe, et à ne rien révéler de ce qu’on avait
vu sur l’île. Si on révélait quelque chose, ça voulait dire emprisonnement à
Leavenworth, ou très forte amende. Et c’était le genre de truc qui nous foutait
à tous la trouille.
    Après ça, le 1 er juillet 1946, la première bombe
a été larguée d’un avion. On avait passé notre temps à aller et venir dans la
baie, et ce matin-là, de bonne heure, on s’était approchés de notre vaisseau
amiral, le USS Mount MacKinley. C’était sur ce bateau que se trouvaient
tous les gradés et tous les savants. Nous on était en train de tourner autour
du Mount MacKinley au moment de l’explosion.
    Le Mount MacKinley se trouvait éloigné d’une
quinzaine de kilomètres du point d’impact. Et nous on était exactement à cinq
kilomètres du Mount MacKinley. Ce qui fait qu’on aurait aussi bien pu se
trouver à dix qu’à vingt kilomètres de l’explosion.
    On était tous dehors en short. Moi je portais juste un
T-shirt, comme celui-là, un petit bob et une paire de tennis. Les gradés du Mount
MacKinley, eux, n’ont pas mis le nez dehors. Ils portaient des vêtements de
protection et sont tout le temps restés à l’abri. Comme ils nous avaient dit
que ce serait une énorme bombe, nous, les petits gars des montagnes, on était
tous sur le pont à attendre de voir tomber cette bombe monstrueuse. Et tout à
coup on a vu cette gigantesque boule de feu s’élever dans les airs. Quand on en
a senti la chaleur, et qu’on a perçu l’onde de choc, on a couru se mettre à l’abri.
    Dix heures plus tard on était sur le lieu du point d’impact.
On passait devant les bateaux-cibles, leur peinture partait en lambeaux, certains
de leurs canons étaient fendus par le milieu et s’ouvraient en deux. Ils
avaient d’énormes brèches dans la coque, et le USS Independence était en
flammes. Il y avait en tout soixante-quinze bateaux-cibles.
    J’étais sur le pont quand ils ont demandé qu’on leur envoie
des volontaires pour essayer de maîtriser l’incendie à bord de l’ Independence. On montait à bord pour combattre le feu pendant une heure, et on allait se
reposer pendant deux heures. On était bien soixante ou soixante-dix à faire ça.
    Est-ce qu’on vous a avertis d’un éventuel danger ?
    Absolument pas. Ce qu’ils voulaient c’était qu’on vienne
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