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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre
Autoren: Studs Terkell
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escalier de béton dans la cale
sèche où se trouvait le cuirassé Pennsylvania. Un officier qui passait m’a
demandé de monter sur le Pennsylvania pour essayer d’éteindre les feux
qui avaient pris au troisième pont inférieur après l’explosion d’une bombe. Au-dessous
se trouvaient les magasins où étaient stockés les munitions, la poudre et les
obus. Je lui ai dit : « Pas question que je descende là-dedans. »
Vous pensez, ça pouvait sauter d’un instant à l’autre. J’étais jeune mais pas
complètement idiot. Pour soixante-deux cents de l’heure, il fallait pas pousser ! (Il rit.)
    Une semaine plus tard, je passais devant le tribunal
militaire qui a reconnu qu’en tant que personnel civil des armées, je n’avais
pas à obéir aux ordres d’un officier. D’ailleurs il n’y avait pas encore la loi
martiale à ce moment-là. Et puis comme j’avais seize ans et que je n’avais pas
hésité à me jeter à l’eau pour sauver des vies humaines, l’affaire n’a pas eu
de suites.
    C’était un autre officier qui m’avait demandé de repêcher
les marins qui avaient été projetés hors des bateaux. Il y en avait qui étaient
inconscients, d’autres qui étaient morts. C’est comme ça qu’avec d’autres
Hawaïens on a passé notre journée à nager dans le port. Je ne sais pas combien
de corps j’ai sortis, combien il y en avait de vivants ni combien il y en avait
de morts. Des gars les mettaient dans des ambulances et adieu. On a fait que ça
toute la journée.
    Le soir, il a fallu que je conduise tout un camion de
marines dans la vallée de Palolo parce que les Japonais avaient, paraît-il, parachuté
des hommes là-bas, et avec le black-out, il n’y avait pas un seul chauffeur des
marines capable d’y aller. C’était à peu près à trois kilomètres, et on n’a pas
trouvé un seul parachutiste. Dans la vallée, il y avait une maison qui était
restée allumée, alors les marines ont commencé à tirer dessus et les lumières
se sont éteintes tout de suite. (Il rit.)
    Je suis retourné passer la nuit derrière mon escalier de
béton.
    Il y avait un type qui marchait sur le pont du Pennsylvania. À un moment, il a allumé une cigarette et il s’est aussitôt
fait tirer dessus. Je ne sais pas s’ils l’ont eu d’ailleurs.
    Le lendemain matin, j’ai pris mes outils et je suis allé sur
le West Virginia. Il avait chaviré et avait la quille en l’air. On a
récupéré pas mal d’hommes à l’intérieur. L’ Arizona etl’ Utah, eux,
avaient été complètement détruits. Dans ceux-là aussi il y avait des hommes. On
a mis près d’un mois à découper les superstructures du West Virginia après
l’avoir redressé. On a dégagé près de trois cents hommes de là-dedans qui
étaient encore vivants au bout de dix-huit jours.
    Comment ont-ils bien pu survivre ?
    Je ne sais pas. On n’avait pas le temps de poser des
questions. (Il rit.) Il a fallu deux semaines pour venir à bout de tous
les foyers d’incendie. Les trois premiers jours, on a travaillé vingt-quatre
heures sur vingt-quatre. C’était une vraie pagaille, et tout le monde était sur
les nerfs. Il y avait des marins qui tiraient sur les avions japonais au canon
de 75. Comment voulez-vous abattre un avion avec un obus de 75 ? Alors il
y a des obus qui allaient s’écraser sur Honolulu. Ils avaient une portée de
quinze kilomètres. Ça a fait pas mal de dégâts dans la ville, des morts et des
blessés.
    Au bout de ces trois jours, quand je suis rentré chez moi, on
m’a dit qu’un obus était tombé sur la maison de ma petite amie. Ça faisait
quelque chose comme trois ans qu’on sortait ensemble. Sa maison n’était pas
bien loin de la mienne. Sur le moment, ils ont dit que c’était une bombe japonaise,
plus tard, on a appris que c’était un obus américain. Elle a été tuée au moment
où elle s’habillait pour aller à l’église.
    Mes voisins sont venus me voir. C’étaient presque tous des
Japonais. Tout le monde pleurait, et personne n’avait la moindre idée de ce qui
se passait, ni de ce qui se préparait.
    La loi martiale avait été décrétée. On devait tous
travailler douze heures par jour, de six heures à dix-huit heures. Personne
dans les rues après six heures du soir et personne avant six heures du matin. L’armée
contrôlait entièrement les îles. La police venait chez ceux qui ne se
présentaient pas à leur travail, et les arrêtait. Il fallait absolument
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