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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre
Autoren: Studs Terkell
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Tokyo, il y a la plage de Kamakura. Bien que nous
nous soyons trouvés à Hiroshima à ce moment-là, nous étions de Tokyo. Nous y
allions très souvent pour ramasser des coquillages, et elle chantait cette
chanson. (Elle commence à chanter, et M. Kito chante tout doucement
avec elle.)
    Avez-vous retrouvé votre mère ?
    Non, elle est toujours sur la liste des disparus, bien que
mon père ait rencontré un jour une femme, qui pensait savoir où elle se
trouvait lors de l’explosion. Ma mère devait rencontrer un groupe de personnes
du quartier, ces comités de quartier étaient mis en place pour organiser les
évacuations massives qu’on commençait à préparer. Et c’était elle qui devait
représenter notre famille auprès de ce comité.
    Elle était partie vers sept heures et demie du matin. L’endroit
où elle s’était rendue était très proche du point d’impact. Quand la bombe a
explosé cette femme n’était pas très loin d’elle. Comme elle avait des petits
enfants, elle s’est jetée à plat ventre sur eux pour les protéger. Au moment de
l’éclair ma mère a porté ses mains à ses oreilles, et elle a couru à l’intérieur.
Ensuite cette femme a vu le bâtiment de béton s’effondrer sur ma mère. Cette
histoire a été rapportée à mon père près d’un mois après l’explosion. Il y a de
grands risques que ma mère soit morte.
    Mon père est allé à l’endroit en question avec cette femme. Il
a trouvé des restes humains tellement calcinés qu’il était difficile de savoir
lesquels auraient bien pu être ceux de ma mère. Alors il a ramassé quelques os
ici et là, les a rapportés à la maison, et on les a enterrés en disant que c’étaient
les restes de ma mère.
    Kito  : Toute
ma famille se trouvait à Nagoya, donc personne n’a été blessé par la bombe. En
revanche on n’a jamais su ce qu’étaient devenus mes amis qui étaient avec moi à
l’armée. À peu près à partir du 7 août des milliers de vers ont commencé à
infester les plaies des milliers de blessés que je voyais. Et avec tous ces
vers qui grouillaient sur leurs blessures, tous les survivants souffraient
atrocement. Ils hurlaient et nous suppliaient de les en débarrasser. Mais face
à tous ces corps couverts d’asticots de la tête aux pieds, aider tous ces gens
était une tâche impossible.
    Nous sommes allés demander conseil à un médecin militaire. Tous
les médicaments avaient été utilisés et il ne restait plus rien. Que
pouvions-nous donc faire ?
    Le docteur a dit : « Je regrette, mais nous ne
pouvons rien faire. Stérilisez leurs blessures à l’eau salée. » Nous avons
donc fait bouillir de l’eau avec une grande quantité de sel. Et comme leurs
corps étaient entièrement couverts de plaies, on les nettoyait au lave-pont. Il
était vraiment complètement impossible de faire ça à la main. On prenait un
lave-pont, on le plongeait dans l’eau salée, et on le leur passait sur le corps.
    Les enfants qui étaient sur le sol, incapables de bouger, sautaient
en l’air en disant dans le dialecte local : « Je m’en vais, il faut
que je m’en aille. » Je me souviens parfaitement de cette scène.
    Dans le studio une femme interrompt : « Le
mot que M. Kito vient d’utiliser est hashira. Ça veut dire « ça
fait mal. » L’interprète intervient  : « Dans le dialecte
local, ce mot signifie « merci. »
    Comme j’étais de Nagoya, je ne comprenais pas ce dialecte, je
croyais qu’ils voulaient dire qu’ils allaient s’enfuir en courant. J’essayais
donc de les faire tenir en place, de les empêcher de remuer. Ils sont morts peu
de temps après.
    Bien entendu, il n’y avait personne de leur famille pour
emporter leurs corps. Alors nous avons récupéré la charpente des bâtiments qui
nous entouraient, et nous avons érigé un bûcher funéraire pour incinérer tous
ces cadavres.
    Friedman  :
Moi, c’est dans tous ces endroits-là que j’allais, pour essayer de trouver ma
mère.
    Votre organisme est complètement bouleversé, et c’est une
chose qui dure très longtemps. Vous êtes en état de choc. Et si vous voulez
continuer à fonctionner normalement, il faut laisser vos sentiments de côté. Vous
réussissez à vous déplacer machinalement, simplement mue par l’instinct de
survie. Vous n’avez pas l’impression d’être dans la réalité. C’est comme si… Vous
ne pouvez pas vous imaginer que ça vous arrive vraiment à vous. C’est comme
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