Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
l'une ou l'autre des jeunes personnes qui visitent ta sœur aînée... ou des cadettes de celles-ci si tu les préfères un peu plus jeunes.
    —    Ce qui ne presse pas du tout... répliqua l'adolescent. Je commence par confesser que le cours classique m'ennuie, et voilà qu'on discute de mon mariage.
    —    Pour ça, tu as bien raison. Auparavant, tu devras faire la preuve que tu peux livrer un petit meuble de rien du tout à la bonne adresse. Je suppose que la voiture est devant la porte.
    Thomas Picard dit cela en s'essuyant la bouche avec sa serviette de table. Un instant plus tard, debout devant sa chaise, il avala encore une gorgée de thé. Elisabeth se leva pour l'accompagner jusqu'à la porte, alors qu'Eugénie demeurait assise. Tout au plus leva-t-elle la tête pour recevoir une bise sur la joue en murmurant « Bonne journée » sur un ton un peu affecté. Quand Édouard fit mine de lui poser un baiser mouillé sur l'autre joue, elle ajouta: «Arrête de faire l'idiot» en se dérobant.
    Un moment plus tard, le commerçant prenait un panama accroché près de la porte. Plutôt que de sortir tout de suite, il déclara à son fils :
    —    Attends-moi un instant dans la voiture.
    Six jours par semaine, à huit heures pile, un employé du magasin venait en fiacre depuis la Basse-Ville afin de conduire le propriétaire du magasin à rayons Picard à son commerce. Le scénario se répétait souvent en sens inverse en fin de journée, parfois aussi tard qu'à neuf et même dix heures. Quand le garçon se fut éloigné un peu, Thomas demanda à voix basse :
    —    Elle fait toujours cette mine ?
    —    Oh ! Ce matin, elle est plutôt de bonne humeur.
    —    Quelle pitié qu'elle aussi refuse d'aller passer une année à Montréal pour apprendre l'anglais ! Cet été, elle trouve à s'occuper un peu, mais avec la mauvaise saison qui arrive, bientôt elle n'aura pas d'autre loisir que de gâcher la vie de ses semblables.
    Comme toujours, Elisabeth prit la défense de la jeune femme de dix-huit ans:
    —    Ce n'est pas si terrible. Elle passe l'essentiel de son temps à ignorer que j'existe.
    —    Si jamais elle devient insupportable, tu me le diras. Après dix ans, elle doit bien pouvoir se faire une raison.
    —    Ne pense pas à cela, tu as déjà tellement à faire, lionne journée.
    Comme tous les matins, un peu au mépris des convenances car les passants pouvaient les voir depuis le trottoir, Thomas serra sa femme dans ses bras, posa sa bouche sur ses lèvres, puis il rejoignit la voiture de son pas vif, tout en mettant son chapeau sur sa tête.
    Un moment plus tard, l'épouse revenait dans la salle à manger. Comme d'habitude aussi, Eugénie avait profité de ce court intermède pour retourner dans sa chambre. Si les relations avec sa belle-mère conservaient leur froide politesse, cela tenait surtout au fait qu'elle évitait le plus rigoureusement possible les contacts.
    Elisabeth prit la copie du Soleil posée sur un guéridon près de la porte, la déplia devant elle sur la table alors que la bonne lui versait encore un peu de thé.
    —    Merci, Jeanne. Vous plaisez-vous toujours, dans cette maison ?
    —    Oh! Oui, Madame. Le travail est facile...
    Elle s'arrêta tout de suite, inquiète d'avoir commis un sombre péché, comme la lâcheté devant une tâche difficile. Pour ne pas être soupçonnée de paresse, elle tenta de se corriger :
    —    Vous comprenez, comparé au travail de la ferme, prendre soin d'une maison...
    —    Oui, je sais. A cette époque de l'année, dans Charlevoix, vous seriez en train de ramasser l'avoine, je crois.
    —    Et le foin aussi... Mon père travaille en forêt, les semences ont lieu un peu tard au printemps. En conséquence, la fenaison ne se termine jamais avant le mois d'août. En plus, le climat n'est pas très chaud et le temps, souvent humide. Ensuite, ce sont les patates, les fèves...
    Jeanne s'interrompit encore, rougissante: depuis les trois mois où elle se trouvait dans la maison, jamais elle n'en avait dit autant à sa patronne. Ses uniques conversations se déroulaient avec Joséphine, la vieille cuisinière irascible que les Picard avaient ramenée de la Basse-Ville. Dix années supplémentaires n'avaient en rien amélioré son humeur.
    —    Est-ce que la vie à la campagne vous manque ?
    —    L'été, le travail dans le potager et dans les champs demeure agréable. L'hiver, nous avons moins
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher