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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque
Autoren: Jean-Pierre Charland
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voir.
    L'homme aurait préféré que son épouse revienne à Québec au plus vite. Elisabeth demeurait résolue à tenir compagnie à Eugénie. L'abandonner dans une pension, même la meilleure, lui paraissait inhumain.
    —    Même si tu es de ce côté-ci de l'Atlantique en janvier, le magasin...
    —    Ton escogriffe pourra ouvrir l'œil, son cours classique ne l'absorbe pas tant que cela. Et ton homme de confiance, Létourneau, saura bien prendre la relève quelques fois.
    A l'allusion à un escogriffe, Elisabeth avait tourné les yeux en direction d'Edouard, qui se passionnait pour les dépliants touristiques du Canadien Pacifique.
    —    Tu es certain que je ne peux pas le garder ? demanda-t-elle bientôt, les yeux mouillés.
    —    Certain. Autant ma fille doit accoucher au loin, en cachette, autant ma femme devrait le faire à la vue de tous. En te voyant revenir d'un long voyage avec un enfant, tout le monde devinerait. Ce serait lui enlever toutes ses chances dans la vie.
    —    Fulgence te semble fiable à ce point ?
    L'homme demeura un moment songeur, puis commenta :
    —    Je le connais depuis plus de douze ans. Puis je ne serai pas loin.
    Les derniers mots devaient rassurer son épouse. En réalité, jamais il n'interviendrait, de peur de trahir le secret. Elisabeth se rapprocha, se laissa enlacer au mépris des convenances.
    Dans un autre coin de la grande salle, Eugénie se tenait en tête-à-tête avec Élise Caron, la seule de ses amies venue assister au départ pour le « grand tour ».
    —    Comme tu as de la chance, déclara la brunette avec la meilleure grâce du monde. Où iras-tu ?
    —    Nous descendrons à Liverpool, puis nous resterons une dizaine de jours à Londres, avant de passer à Paris.
    —    Si jamais je peux me permettre une expédition de ce genre, ce ne sera pas avant dix ans au moins, quand mon mari pourra compter sur la clientèle des notables de la Haute-Ville.
    Élise ne perdait pas son sourire : au fond, ses fréquentations avec le jeune Paquet se révélaient très satisfaisantes, son mariage se présentait sous les meilleurs auspices.
    —    Parfois, j'aimerais me trouver à ta place, admit Eugénie.
    Son amie la regarda, sceptique, pour constater que l'autre
    semblait sincère. Le ridicule de la situation n'échappa pas à la voyageuse, qui confessa en souriant :
    —    Cela doit être un peu de frayeur. Selon les livres de voyage, traverser l'Atlantique au début de novembre peut se révéler mouvementé.
    —    Dans un navire de cette taille, tu ne sentiras pas les vagues.
    La coque soigneusement rivetée s'étendait sur des dizaines et des dizaines de verges. Élise continua :
    —    Tu ne reviendras pas à Québec directement, d'après ce que j'ai compris des babillages d'Édouard.
    —    Papa demeure convaincu que je dois apprendre un peu d'anglais. Début janvier, je dois m'inscrire dans un collège de jeunes filles, dans l'État de New York.
    —    Et ta mère... je veux dire Élisabeth.
    —    Elle demeurera avec moi. Tu comprends, les convenances... Papa viendra nous visiter.
    Eugénie connaissait sa leçon sur le bout des doigts. Quelle que soit l'incrédulité de la personne en face d'elle, jamais ce récit ne devrait varier d'un iota.
    —    Quelle chanceuse ! Je dois rentrer maintenant, ma mère m'attend.
    —    Merci d'être venue. Tu es si gentille, et fidèle.
    Elles se serrèrent l'une contre l'autre pendant un long moment. Après les derniers «Au revoir», Eugénie rejoignit sa famille. Edouard considéra cela comme un signal et il alla se flanquer près d'Elisabeth. Autour d'eux, les passagers s'engageaient de plus en plus nombreux sur la passerelle.
    —Je pense que nous devons y aller aussi, murmura la grande fille. Papa...
    —    Tu as raison, répondit l'homme en ouvrant les bras.
    Un peu brutalement, elle se plaqua contre la poitrine paternelle, puis chuchota, le nez enfoui dans son foulard :
    —    Je te demande pardon.
    —    N'en parle pas, princesse. Et prends soin de ta mère.
    Elle ne se rebiffa pas à ce mot, hocha plutôt la tête en guise d'assentiment. Un moment plus tard, les larmes aux yeux, elle accepta l'accolade de son petit frère. Puis sans se retourner, la main lui couvrant la moitié du visage, elle s'engagea sur la passerelle.
    —    Maman, commença ensuite Edouard en mettant ses bras autour de son cou, c'est la première fois que l'on se
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