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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque
Autoren: Jean-Pierre Charland
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allait sortir quand la jeune fille demanda :
    —    Pourquoi ?
    Devant les yeux interrogateurs de sa belle-mère, elle dut continuer :
    —    Pourquoi me venir en aide comme cela ?
    —    Je t'aime depuis le premier jour, dans la rue Saint-François.
    Au moment où Elisabeth refermait la porte, les sanglots reprirent, plus violents encore.
    Le couple se réfugia dans la bibliothèque, à l'invitation de l'épouse.
    —    Si tu souhaites prendre un cognac, profite de l'occasion pour me servir un porto. J'ai une information à te communiquer.
    —    ... A ce ton, je m'en verse un double.
    Un moment plus tard, l'homme venait la rejoindre en lui tendant un verre. Les deux fauteuils, près du foyer, se faisaient face. Thomas avala une généreuse gorgée, puis invita d'une voix blanche :
    —    Annonce-moi cette mauvaise nouvelle, bien que je commence à m'en douter.
    —    Eugénie est enceinte de deux mois.
    L'homme serra sa main sur son verre, au risque de le faire éclater, puis lâcha :
    —    La petite garce !
    —    Thomas !
    Ils se connaissaient depuis douze ans. Jamais sa femme n'avait utilisé un ton si impératif avec lui, ou avec qui que ce soit. Elle continua, toujours aussi autoritaire :
    —    Aucun père ne devrait jamais parler de cette façon de sa fille. Mais parmi tous ces pères, tu es le plus en mesure de comprendre la situation d'Eugénie, ou celle de toutes les malheureuses dans sa situation.
    Devant son regard perplexe, elle jugea utile de préciser:
    —Je suis allée dîner avec Marie Buteau, il y a quelques semaines. Et ne me dis pas que ce n'est pas la même chose.
    Mieux valait terminer son verre de cognac, le temps de réfléchir à sa réponse. A la fin, sur un ton plus mesuré, il reprit :
    —    C'est l'inquiétude qui me fait parler ainsi. Sa vie se trouve gâchée, maintenant. Aucun garçon ne voudra d'elle... L'opprobre retombera sur Edouard...
    —    Tu peux aussi aller t'asseoir dans la rue et te jeter de la cendre sur la tête. Mais au lieu de nous désoler et de dire des gros mots, nous pouvons aussi chercher une solution.
    —    Dans un mois, cela se verra, ragea le père.
    —    La même solution que pour toutes les autres dans cette situation. J'ai peu de contacts avec les voisines. Pourtant, si nous allions nous promener dans les rues environnantes, je te montrerais quelques maisons où, au cours des derniers dix ans, une jeune fille est disparue pendant six mois, pour un voyage imprévu.
    Ces absences mystérieuses se produisaient en effet avec une régularité navrante, au gré des imprudences. Au bout d'un moment, il admit :
    —    Tu as raison. Elle a claironné sur tous les toits qu'elle irait en Europe, cela servira ses intérêts. Son absence durera cependant plus longtemps que prévu. Je dirai que mes profits de l'été me permettent cette largesse.
    —    L'enfant...
    Au ton de sa femme, Thomas devina tout de suite qu'elle rêvait déjà de le présenter comme le sien.
    —    Ça, c'est impossible. Le voyage discret ne servirait plus à rien. Une épouse légitime ne s'éloigne pas des siens pour aller accoucher en cachette.
    —    Tu connais les histoires d'horreur sur les orphelinats, commença l'épouse en vidant son verre à son tour.
    Les enfants y mouraient souvent de misère, d'autres s'exposaient à tous les abus de la part de parents adoptifs brutaux ou pervers. Thomas crut bon de préciser, mal à l'aise :
    —    Nous n'avons pas sous la main un homme prêt à l'épouser, comme Alfred l'a fait avec Marie Buteau. A moins que Fernand Dupire...
    —    N'y pense même pas, rétorqua Elisabeth, avec tout de
    même une pointe de déception dans la voix.
    —    Dans ce cas, pour l'enfant...
    La jeune femme n'arrivait pas à se résoudre à un abandon pur et simple.
    —    ... Tu es certain que je ne peux pas faire semblant qu'il est de moi ?
    —    Personne ne te croirait. Impossible d'expédier Eugénie seule hors de la ville, pour te permettre de te montrer partout avec un ventre postiche. Je suis désolé...
    —    Tu chercheras une autre solution, n'est-ce pas ? Tu ne peux pas laisser ton premier petit-enfant dans l'une de ces affreuses maisons.
    Thomas ferma les yeux un bref instant, puis esquissa un signe d'assentiment. Manigancer les réélections successives de Wilfrid Laurier se trouvait finalement plus facile que de gérer ses affaires de famille. Quelques
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