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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque
Autoren: Jean-Pierre Charland
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crédibles.
    —    Vous dites que cet homme envisage de donner un dédommagement. De quel montant ?
    —    Quarante dollars par année jusqu'à ses dix-huit ans, et les frais pour son éducation.
    —    C'est beaucoup, plus que ne coûterait cette bouche à nourrir.
    —    Le futur grand-père peut se le permettre.
    Surtout, Thomas ne pouvait imaginer cet enfant dans la misère. Sachant très bien ce qu'il versait au directeur de ses ateliers, avec cette obole en plus, il ne manquerait pas du nécessaire. Moins de vingt-quatre heures après l'étonnante proposition, Létourneau avait donné son accord avec la bénédiction de son épouse, Thérèse. Un cœur de mère palpitait déjà sous sa très ample poitrine.
    —Je crois comprendre que vous connaissez déjà la famille d'accueil ? demanda Dupire.
    —    Il s'agit de l'un de mes employés, Fulgence Létourneau.
    Thomas sortit de sa poche une feuille de papier portant le nom et l'adresse du père adoptif pour le tendre à son interlocuteur en disant :
    —    Vous le convoquerez pour la signature du contrat. Il devra s'engager à offrir les soins habituels à cet enfant. Vous lui transmettrez le petit pécule sous la forme d'un versement annuel.
    —    Vous savez, ce ne sera pas la première fois : je connais les usages. Me transmettrez-vous cette somme ?
    —    Chaque mois d'avril. L'enfant doit naître à ce moment.
    Le notaire acquiesça, fit disparaître les coordonnées dans une chemise cartonnée.
    —    Ce monsieur sera convié à mon étude d'ici dix jours. Je vous tiendrai au courant. Une clause du contrat précisera qu'au cas où la mère décidait de garder l'enfant, ou alors si celui-ci décédait, l'entente deviendra caduque.
    —    Cela me paraît aller de soi.
    —    Une autre précision, monsieur Picard. Si le père de la jeune fille ne signe pas le contrat lui même, vous devrez vous engager.
    Thomas hocha la tête, puis admit, un peu comme à regret :
    —    Comme ce dernier tient à son anonymat, il en ira ainsi.
    —    Au cas où celui-ci cessait d'assumer ses engagements, vous serez en conséquence tenu de le faire. Cela ne vous répugne pas ?
    L'homme hocha la tête, leva les mains pour signifier qu'il acceptait ce risque. Maître Dupire lui adressa un sourire en coin au moment de se lever pour lui serrer la main. Sa perplexité venait de prendre une nouvelle tournure, mais il préféra jouer le dupe.
    Parfois, les avatars d'une campagne électorale fournissaient un heureux divertissement aux ennuis domestiques. Depuis la mi-septembre, les conservateurs dirigés par Robert Borden et les libéraux de Wilfrid Laurier se livraient une chaude lutte. Occupés sur la scène provinciale, les nationalistes s'étaient faits discrets.
    Le lundi 26 octobre, Thomas Picard rejoignit ses amis libéraux au Château Frontenac. Le central téléphonique et télégraphique du grand bâtiment hôtelier était conscrit pour la réception des résultats. Comme à l'habitude, des garçons faisaient Palier-retour à bicyclette entre les bureaux de scrutin de la ville et les organisateurs politiques.
    —    Ce fut une belle campagne, commenta Louis-Alexandre Taschereau à l'oreille du marchand de la Basse-Ville.
    —    Très belle, quand nos amis Bourassa, Lavergne et Asselin s'occupent d'autre chose.
    —    ... Oui. Ces méchants oiseaux préfèrent souiller le nid provincial.
    Le ministre des Travaux publics et du Travail demeurait l'une des victimes favorites du trio de députés nationalistes sévissant à Québec. Mieux valait changer de sujet, pour préserver sa bonne humeur.
    —    Le grand homme demeure un orateur redoutable, malgré son âge, dit-il en regardant en direction de Wilfrid Laurier.
    Le vieux politicien promenait sa haute silhouette dans la salle de bal du Château Frontenac. Sa redingote noire soulignait les cheveux blancs qui tombaient sur son col. Passant d'une table à l'autre, il conversait un moment avec chacun de ses partisans, afin de cultiver leur allégeance.
    —    Sa longue expérience demeure irremplaçable, admit Thomas. Toutefois, je dois avouer qu'un slogan aussi peu inspiré que «Laissons Laurier finir son travail» ressemble terriblement à une fin de règne. La prochaine fois, est-ce que ce sera «Encore une minute, s'il vous plaît»? Il a profité de la prospérité ambiante.
    —    Dans l'Ouest, un village est créé le matin à l'intersection de
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