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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque
Autoren: Jean-Pierre Charland
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d'ensoleillement, une lumière idéale pour parcourir les pages du Soleil. Au moment de la livraison du journal, Jeanne passait un fer à repasser chaud sur les feuilles: cela avait pour effet de faire disparaître les plis du papier et de mieux fixer l'encre. Elles ne tacheraient pas, même des mains portant des gants de line dentelle blanche.
    Elisabeth avait très vite pris l'habitude de tous ces luxes, le service domestique, la nourriture abondante et variée, la grande et confortable maison, sa position sociale avantageuse à titre de madame Thomas Picard. Thomas insistait pour dire que chez elle, la grâce, le raffinement étaient innés... comme si Dieu la destinait à un grand homme.
    Elle prenait la chose plus modestement : des le départ, sa vie au couvent lui avait donné l'habitude des i apports sociaux feutrés, des conversations murmurées, de la mesure prudente. Une réserve circonspecte, un sens de l'observation aigu, l'utilisation mesurée des sourires timides, des battements de cils séducteurs et des joues souvent roses de modestie faisaient tout le reste.
    Le monde étrange où le hasard l'avait jeté à dix huit ans ne présentait plus beaucoup de mystères pour elle.
    Après avoir quitté la salle à manger, Eugénie s'était réfugiée dans la salle de toilette du rez-de-chaussée, en attendant le départ de son père, puis le retour de la belle-mère devant son repas. Quand la voie fut libre, elle se dirigea à pas légers vers la bibliothèque, une grande pièce donnant sur la façade de la maison où Thomas aimait travailler. Elle prit place derrière un lourd bureau, allongea les bras au-dessus du sous-main pour saisir le téléphone et l'approcher d'elle.
    L'appareil se composait d'un tuyau de cuivre fixé dans un socle circulaire. On parlait dans un cornet, orientable vers le haut ou le bas, fixé à son extrémité. Pendu à un crochet en forme de fourche, un autre cornet, mobile celui-là, relié par un fil, pouvait être porté à l'oreille.
    Elevée avec ce dispositif à portée de la main, Eugénie en connaissait très bien l'utilisation. Elle composa en actionnant la manivelle, réclama à une employée de Bell d'être mise en communication avec un abonné, donna le numéro, entendit de nombreux bruits métalliques et, enfin, la voix de la domestique des Caron:
    —    Allô, qui est là ?
    La personne criait à l'autre bout, sans vraiment comprendre que c'étaient des impulsions électriques, plutôt que le son de la voix, qui atteignaient l'interlocuteur.
    —    Je voudrais parler à Élise.
    —    ... Je vais voir si elle est là !
    Eugénie éloigna machinalement le récepteur de son oreille, sachant que chez les Caron le téléphone se trouvait accroché au mur. Invariablement, les domestiques cognaient l'émetteur à plat contre le mur au moment de crier à la personne demandée de prendre la communication.
    —    Eugénie ?
    A dix-huit ans, une jeune femme n'ayant pas encore «fait ses débuts » ne pouvait recevoir d'appels d'une autre personne que d'un parent ou d'une amie. Élise Caron devinait sans mal l'identité de cette correspondante matinale.
    —    Oui, c'est moi. Tu veux venir ici ?
    —    ... J'ai du travail à effectuer.
    —    Du travail ? Vous avez des domestiques.
    —    Tu sais comment est ma mère.
    Si les rapports familiaux d'Elise Caron ne souffraient pas des profondes tensions prévalant entre Eugénie et sa belle-mère — après tout, celle-là était la chair de sa chair —, cela ne signifiait certainement pas le beau fixe.
    —    Viens, tu me raconteras cela.
    —    Ce ne sera pas avant tard dans l'après-midi. Je dois apprendre à laver des rideaux. Cela commence par les décrocher du mur, les mettre dans de grandes cuves d'eau bouillante...
    —    Tu ne vas tout de même pas m'expliquer comment faire la lessive au téléphone. Quand peux-tu venir à la maison?
    Eugénie prit soin de ne pas proposer de se déplacer elle-même, de peur de se voir confier une corvée dans cette grande entreprise de nettoyage.
    —Je te l'ai dit, pas avant la fin de l'après-midi.
    —    Viens souper avec moi.
    —    Voyons, vous serez en famille.
    —    Mon père revient souvent tard, même le mercredi. Selon toute probabilité, il n'y aura qu'elle. Tu sais que je déteste les tête-à-tête de ce genre.
    Pendant dix années au couvent, Élise Caron avait entendu largement plus que sa part de récriminai ions
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