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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque
Autoren: Jean-Pierre Charland
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un journal que dans certains milieux, les gens mangent chacun leur tour le matin, au gré de leur sortie du lit, souvent en peignoir, sans se soucier des autres. Je me demande bien si c'est vrai, personne parmi les voisins ne me semble afficher un mode de vie aussi excentrique.
    —    Ce n'est certainement pas le cas chez nous. Ma mère ne le permettrait pas, surtout que c'est souvent le seul repas où papa peut se joindre à nous. Après, ses patients retiennent son attention.
    Se faire remettre sous le nez son mensonge du matin n'améliora guère l'humeur de la jeune fille de la maison. Désireuse d'amener la conversation sur un autre sujet, elle intervint :
    —    Élise a commencé à recevoir un garçon chez elle. Un médecin.
    —    Je vous félicite, commenta Elisabeth.
    —    Voyons, il n'est venu qu'une fois. Cela ne porte pas à conséquence, protesta-t-elle en rougissant.
    —    Tout de même, il faut bien une première fois... Comme nous sommes entre nous, pouvez-vous nous dire s'il vous a plu ? questionna la maîtresse de la maison.
    —    Pas tellement.
    Elle étouffa un rire nerveux, une main devant sa bouche.
    —    Reviendra-t-il te voir? demanda encore Eugénie.
    —Je ne peux pas le savoir...
    —    Il n'a rien dit en partant qui te laissait deviner la suite ?
    —    ... Non.
    Les oreilles de la jeune fille devinrent cramoisies. Voilà que son amie la forçait à admettre que son premier visiteur levait le nez sur elle.
    —    C'est à lui à décider, de toute façon.
    Quand, avec la permission de son père, une jeune fille ouvrait la porte de son salon à un prétendant, ce dernier choisissait seul de poursuivre ou non ses assiduités. Le relancer aurait été de la dernière inconvenance.
    —    C'est vrai que dans ce jeu la nous sommes a leur merci, murmura Eugénie. Bien sûr, il y a parfois des exceptions. Par exemple, les choses ont été plus simples pour Elisabeth. En se trouvant en service dans la maison, elle a eu le temps de se faire bien voir.
    Fin utilisant l'expression «en service», la jeune fille évoquait une gamme d'occupations allant de cuisinière à femme de chambre, en passant par préceptrice. Ces fonctions se regroupaient toutes sous un seul vocable, celui de domestique.
    La maîtresse île la maison encaissa le choc, reprit son souffle avant de dire d'une voix neutre:
    —    Eugénie, tu as bien raison. Moi, je suis très bien tombée, cela peut t'inspirer. Rien ne t'empêche d'user du même stratagème : tu as terminé le même cours que moi chez les ursulines, avec en plus la musique, le chant, le théâtre, la peinture, toutes des activités coûteuses pour lesquelles ton père n'a jamais lésiné. Rien ne t'empêche de chercher maintenant une place de préceptrice chez un excellent parti. Nous comparerons les résultats.
    Les yeux bleus fixés dans ceux de l'adolescente ne cillaient pas. La dureté du ton, le sourire crispé donnèrent froid dans le dos à Elise. Très blanche, Eugénie finit par murmurer :
    —    C'est une très riche idée. Il y a cependant une autre condition à remplir, celle-là très difficile : cet excellent parti doit avoir une épouse sur le point de mourir. Sinon, aucune chance de faire un bon mariage. Au mieux, cela conduit tout au plus à un rôle de concubine.
    En l'absence de témoin, Elisabeth aurait asséné une gifle retentissante à l'impertinente. Cela n'aurait pas été la meilleure façon de traiter une situation aussi délicate, mais le soulagement immédiat aurait compensé l'accroc aux usages de la vie en société. Une petite remontrance, formulée d'une voix à peine assurée, représentait un bien mauvais susbtitut à la répression physique.
    — Après réflexion, je me demande si tu pourrais obtenir un emploi de préceptrice. De mon temps, les ursulines n'enseignaient pas à discuter de concubinage à table.
    Elise contemplait son bol de soupe depuis un moment. Malgré les lourds travaux de la journée, son appétit avait disparu.
    Chapitre 2
    L'atmosphère explosive de la rue Scott semblait affecter même la Basse-Ville. Une foule très dense se massait sur la place du marché Jacques-Cartier, au coin des rues Saint-Joseph et de la Couronne.
    —    Nous ne devons rien à l'Angleterre : ni notre argent, ni notre soutien militaire, ni même notre amitié. Rien.
    Ces mots d'Henri Bourassa suffirent à déclencher des hurlements d'approbation frénétique. Le lendemain,
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