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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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frais
    Parfume la maison.
    Comme tu riais, maman ; tu disais alors que j’avais l’air de te comparer à un fromage au lait.
    Mais adieu à cet heureux temps !
    Lorsque je refais surface, il fait nuit. Pourtant, je sais que je vois. Ma cécité a disparu. Quel bonheur ! J’aperçois un rayon de lune qui balaie des corps allongés, mais je vois aussi le visage torturé de douleur de maman, des larmes coulent sur son visage chéri – puissent-elles être des larmes de joie en me voyant renaître à la vie – elle me dit d’une voix étranglée de douleur :
    — Je ne sentais plus battre ton cœur ma petite fille, j’ai cru t’avoir perdue pour toujours !
    Je devine plus que je ne comprends ce qu’elle dit car, sa seule présence près de moi me replonge avec délice dans cet état léthargique.
    Que c’est bon de se laisser aller à l’inconscience, bientôt, je le sais, ce sera la fin de mes souffrances, mais c’est très drôle, en ce moment, je n’éprouve plus cette peur du néant, je n’y pense pas. On doit croire s’endormir, et voilà.
    Que s’est-il passé ? Combien de temps s’est-il écoulé ? Lorsque je reprends conscience j’apprends que depuis trois jours nous n’avons plus d’appel. Le camp est, paraît-il, complètement désorganisé, livré à lui-même. Les nazis passent sans cesse avec des paquets, sans s’occuper de nous, quelle aubaine ce branle-bas ! Dans ma demi-inconscience, je pense que peut-être, enfin, nous allons être délivrées de ce cauchemar.
    Ce qu’il y a de bon, c’est de rester allongée toute la journée, les yeux au plafond. Maman est couchée à côté de moi, presque sans vie, il me suffit de tourner un peu la tête pour la voir. Elle a la croix sur le front !
    Instinctivement, je passe ma main sur le mien. Pendant mon inconscience, ils m’ont marquée. Presque toutes, autour de nous, portent une croix sur le front.
    Hélas ! je sais ce que cela signifie. C’est le typhus et les typhiques sont bonnes pour la chambre à gaz. J’en ai tant vues qui en étaient atteintes, que les premiers symptômes ne m’ont pas trompée, c’est pourquoi j’ai dit que j’étais foutue !
    Maria (l’amie polonaise de maman) qui vivait en France nous a appris ce dernier tuyau :
    — Il paraît que demain, le camp sera passé au lance-flammes !
    Et voilà, c’est dit, c’est là que la route s’arrête, jamais on ne reverra la France.
    — Nous n’irons plus au bois, les carottes sont cuites.
    Jamais maman ne pourra plus embrasser et serrer sur son cœur ses trois autres petits, Papa ne m’appellera plus jamais son « petit chameau de fille » ; plus de chahut à faire dégringoler les lustres.
    Fini ! Tes cendres ma fille s’envoleront en fine poussière par-delà les monts sur cette terre maudite.
    Et puis non ! et non ! un sursaut d’énergie me secoue, je ne peux pas croire que je vais mourir demain. Je suis jeune et je veux vivre encore.
    À quoi bon maudire Dieu, Bouddha, Allah ou Vichnou puisque rien n’existe hormis cette horreur ? Peut-on insulter une chose impalpable : l’air, le vent ?
    C’est drôle, j’éprouve des réactions diverses, contraires au bon sens, mais peut-on encore parler de bon sens ? Par moment, je veux vivre à tout prix, d’autres fois, j’ai envie de mourir pour en finir, sans vouloir réagir.
    Je reste prostrée pendant des heures, sans avoir la force de parler. En revanche, l’ouïe est devenue extrêmement sensible, je perçois les moindres petits bruits.
    Maman est quasiment inconsciente, parfois elle ouvre les yeux et me regarde, sans me voir, j’en suis sûre ; sa main est froide mais elle vit encore, oh ! si peu ! je t’en prie, maman, vis, vis pour nous, si tu savais à quel point nous avons besoin de toi.
    Je ne sais plus qui a dit qu’au plus profond du désespoir l’homme a besoin d’espérer et de croire à certaines promesses qui lui ont été faites, même si ce n’est qu’une promesse.
    Soudain, un bruit énorme éclate, proche et violent, il secoue un instant mon apathie et ce tonnerre assourdissant mais pourtant si agréable à nos oreilles, fait trembler la terre ; il est là, tout près de nous, des ronflements sonores se font entendre, ils semblent frôler la baraque.
    Malgré ma torpeur, tous mes sens sont en éveil et je crois apercevoir une silhouette de soldat qui va pour entrer dans le block. Je le vois mieux. Il hésite et reste sur le seuil. Tiens, pensais-je,
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