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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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coup de sifflet strident stoppa net les élans du chien qui, à regret, un lambeau d’étoffe accroché à une dent, abandonna la femme toute sanglante et s’assit, en chien bien dressé, attendant les ordres de son maître. Le soldat allemand partit enfin, la bête sur ses talons. Un silence lourd d’horreur plana devant la baraque entrecoupé seulement des plaintes et des sanglots de la femme blessée que nous n’avions pas le droit de secourir…
    Ma pauvre petite mère est d’une effrayante maigreur, on ne lui voit plus que les yeux ; et ce regard perdu au-delà des frontières va vers ses trois petits qu’elle a laissés en France. Que font-ils ? Sont-ils en bonne santé ? Qui les garde, l’ont-ils oubliée ? Autant de questions sans réponse. Que de tristesse infinie se lit dans son regard. Mais elle tient pour nous, pour nous avoir tous réunis autour d’elle, un jour.
    — Tu sais, lui dis-je, afin de lui faire oublier un peu son chagrin, nous allons les trouver bien changés « nos petits ».
    — Ma pauvre enfant, je ne tiendrai pas bien longtemps ; je le sens, je suis usée, vieille, très vieille et je n’ai que quarante-huit ans.
    — Penses-tu, ne dis pas de bêtises, tu es faite pour vivre centenaire et tu auras beaucoup de petits-enfants.
    Mais me mentant à moi-même, comment pourrais-je lui mentir, la tromper, à elle qui m’a donné la vie et qui sait si bien quand je mens. Chacune de nous deux trompe l’autre pour se donner du courage. Mais…, jusqu’à quand ? Car c’est vrai et c’est affreux, de toutes les paroles que je dis, je n’en pense pas un mot, j’ai le pressentiment que nous ne rentrerons jamais, et je suis sûre que maman le pense aussi, mais on se réconforte mutuellement ; jamais, je crois, elle ne sera une gentille grand-mère, ni moi une mère, bien sûr…
    Aujourd’hui, à vue de nez, ça doit faire à peu près un mois que nous sommes dans cet enfer. Il fait de plus en plus froid. Les nuits de février sont atrocement glacées. La baraque est pleine de courants d’air étant donné que les carreaux ont vécu. Peu à peu elle se dégarnit ; plus le temps passe, moins il y a de femmes… mais on y gagne de la place !…
    Le jour, la soif me tenaille ; alors pour la tromper, je suce un peu de glace dans les flaques d’eau gelées. Mieux vaut ne pas approfondir d’où provient ce liquide car il n’a pas plu depuis longtemps et avec cette température sibérienne, les robinets sont fermés.
    Depuis des jours et des jours, nous ne nous lavons plus, la crasse qui recouvre mon corps forme une carapace dure comme celle des crapauds. Je suis dans un état abominable, mais n’est-ce pas mieux ainsi ? Cette croûte à l’odeur indéfinissable nous protège de la morsure des poux, ces poux ignobles et ventrus qui sucent notre sang comme des vampires. Est-il donc encore si nourrissant ce pauvre sang de navet que je charrie dans mes veines ? Lorsque je les écrase, ils éclatent avec un bruit sec et m’éclaboussent le visage ; c’est répugnant mais on s’y fait.
    Nous avons Jeanne et moi acquis une certaine technique ; nous sommes les virtuoses de la mise à mort systématique. Dans un élan de courage on se met à poil pendant une ou deux minutes, juste le temps d’étaler nos robes par terre, et de sauter dessus à pieds joints ; par dizaines et par dizaines on les écrase tous ensemble. Jeanne me gratte le dos. J’en fais autant, et hop ! l’épouillage est fini pour la journée. Le lendemain, il y en a autant, car toutes les lentes ont éclos pendant la nuit au bienfait de la chaleur animale…
    Presque chaque jour, nous avons la visite des S.S., hommes ou femmes, ça varie. Ici, personne pour diriger ou régenter les blocks. Alors ces messieurs restent sur le pas de la porte, se gardant bien d’entrer. Au passage, ils attrapent l’une ou l’autre qui passe à leur portée et se font dire le nombre de mortes. Oui, ils font le recensement des mortes. Incroyable ! Évidemment, la plupart du temps, la fille qui s’en fout éperdument dit un chiffre bidon, et l’autre part tout satisfait. Comme si on comptait ! et comme si c’était important…
    Depuis deux jours, Germaine se plaint de la gorge. Elle dort à côté de moi, seule une paire de pieds nous sépare car nous couchons en « sardines ».
    — Ce que tu peux être douillette tout de même ! Te plaindre pour un malheureux mal de gorge !
    — Mais je peux presque plus
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