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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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de la voir se faire toute petite car le S.S. – au côté duquel un chien, gueule ouverte, toutes dents dehors, attend sa proie – l’a attrapée par un bras, giflée, secouée comme un prunier et flanquée hors du block, plus vite qu’elle n’y était entrée, après avoir pris son numéro.
    Dans l’histoire, il ne nous a pas oubliées non plus : l’ensemble de la baraque posera demain jusqu’à midi. Il n’a pas dit : « Jusqu’à ce que mort s’ensuive » , mais ça y ressemble tellement ! De plus, pour faire bonne mesure, il adressera un rapport au kommandant Kramer qui est, parait-il, chef suprême et maître des hautes œuvres ! Amen !
    — Y a vraiment pas de justice ! s’exclame quelqu’un. Attaquées, volées comme au coin d’un bois, et punies en plus !
    — Parce que tu crois que la justice existe encore ?
    Diable vert ! Quelle nuit ! Je m’en souviendrai. Si j’étais scénariste, j’intitulerais ça : « Les femmes pirates mènent la danse »…
    *
    * *
    À ma stupéfaction cxxx , j’ai appris que, contrairement aux autres camps, on ne travaille pas. Toute la journée se passe, à part les appels, dans l’inaction la plus totale. Pourquoi ? Parce que, maintenant, c’est notre dernière étape : Bergen-Belsen est un camp d’extermination, soit par la maladie, le manque de nourriture, l’inertie, la saleté, la contagion, la vermine, la soif, et la quasi-immobilité qui nous gagne.
    Nos heures de loisir forcé se passent, pour celles qui le peuvent encore, en marches autour du camp.
    Marches lentes, pénibles et trébuchantes par les grosses godasses, nos jambes ne veulent plus nous porter, mais je m’oblige à marcher quand même et j’entraîne également maman à cette obligation ; tout vaut mieux que l’immobilité qui risque de nous annihiler complètement. Les autres, les vieilles ou moitié mourantes, restent assises ou allongées, attendent la fin…
    Ce matin, ce fut le drame, un drame atroce. Nos gardiens ont lâché leurs chiens sous prétexte de nous faire sortir plus vite de la baraque. J’aime les bêtes, en particulier le chien que je n’ai jamais craint ; à cet instant, je connais la peur panique, une peur qui prend au ventre et qui paralyse. Une des bêtes fonçait sur moi. C’était une bête puissante, solide sur pattes, au pelage fauve. Dans un éclair je vis la gueule ouverte. Ses babines retroussées laissaient voir des crocs luisants prêts à déchirer. Ses oreilles bien droites pointaient ; ses yeux, semblables à deux billes en jais, lançaient des éclairs de fureur ; sa langue pendait.
    La bête respirait la force et les jarrets musclés, dans l’effort, entraînaient son corps par bonds successifs. J’entendais son souffle rauque et saccadé. Un peu d’écume recouvrait ses flancs et son poitrail d’un beige clair. La peur, cette maudite peur contre laquelle on ne peut vraiment rien, me clouait au sol ; c’est peut-être grâce à elle que je fus sauvée de l’inévitable. J’avais entendu dire que lorsque un chien furieux attaque, il faut éviter de bouger et encore moins de fuir.
    J’étais donc là, face au chien, immobile, le fixant dans les yeux ; la bête à un mètre, les pattes avant raides, l’arrière-train baissé, prête à bondir sur moi, était à l’arrêt. Un filet de bave allait se perdre dans ses poils. Intensément, nous nous fixions. Qui, de la bête ou de moi allait céder ? Je savais qu’il me fallait tenir, je le voulais de toutes mes forces, autrement elle se jetterait sur moi.
    C’est le chien qui, un instant, fut distrait de sa garde vigilante. Une femme « paniquée » se sauva derrière moi en courant. Les sens toujours en alerte, la bête ne fit qu’un bond, me frôla et retomba lourdement sur sa victime qui s’affala comme un sac de son. Les pattes puissantes aux griffes pointues lacérèrent la pauvre robe rayée, les crocs blancs cherchèrent la gorge.
    La femme à terre, se protégeant le visage de ses bras, hurlait d’épouvante et de douleur ; le chien excité par l’odeur du sang était comme fou ; un bruit de chair déchiquetée, d’os brisé mit le comble à sa sauvagerie. Impuissante devant ce drame atroce, j’assistais à l’agonie de cette malheureuse. Que cela cesse ! Que ce cauchemar finisse ! Qu’il rappelle sa bête. Le chien tenant dans sa gueule un des bras de la femme la secouait de droite à gauche, pareille à une poupée de chiffon. Soudain un
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