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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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elles ne nous verront pas.
    Hélène agrippe l’autre pied et tire.
    — Je ii sens qu’elle résiste. Je m’énerve. Je veux qu’elle comprenne que le fond de la tranchée est un abri idéal, que les Aufseherinnen iii passeront sans la voir, qu’elle pourra se reposer en restant allongée, qu’elle doit se laisser tomber… J’ai l’impression qu’elle lutte de toutes ses forces pour ne pas me rejoindre. Je suis désespérée. Je parle de plus en plus fort : « Espèce d’idiote, si elles te trouvent assise elles vont te tuer ! » Elle remue. Ses cuisses en surplomb avancent de quelques centimètres. Sa tête se penche vers moi. Elle dit : « Hélène c’est fini. Je vais mourir. Mais pas au fond de ce trou. Je veux mourir ici, là-haut. J’attends qu’elles viennent. Elles vont me tuer et je serai heureuse. Je n’en peux plus. Je suis allée au bout. Maintenant va-t’en ! Tu ne pourras rien changer. Il est inutile de prendre des coups pour moi. » — « Tu es complètement folle ! La guerre est finie dans moins d’une semaine. Il faut tenir. » — « Ça fait un an que l’on dit que la guerre finira avant la fin de la semaine. Va-t’en ! Va-t’en ! Je t’embrasse. »
    Les Polonaises hurlent. Les deux Aufseherinnen, cravache en moulinet, se précipitent. Hélène Rabinatt se roule dans la boue en criant :
    — Accident ! Accident ! Ma jambe ! J’ai la jambe cassée. Je suis tombée. Ma jambe !
    La plus petite des deux gardiennes s’est arrêtée près des Polonaises :
    — Allez la chercher !
    Lucette, étrangère à la scène, fixe les arbres, bouche ouverte. La grande Aufseherin, « la boiteuse », s’est plantée derrière elle. Coups de pied, cravache :
    — Au travail ! Vite ! Cochonnerie !
    Les Polonaises insultent Hélène. La petite Aufseherin ramasse une pelle, hésite une seconde et fonce à la rescousse. Lucette s’est couchée.
    Hélène repousse les Polonaises :
    — Ça va ! Ça va ! Ce n’est rien. Aidez-moi à remonter.
    La « boiteuse » abandonne le terrain à la « petite ». Lucette reçoit une dizaine de coups de pelle sans pousser le moindre cri. Hélène se fige au garde-à-vous devant la « boiteuse ».
    — C’est de ma faute. En tombant je l’ai bousculée. J’ai dû la toucher à l’estomac.
    — Au travail ! Vite !
    La « petite » rit en lançant un dernier coup de pied à Lucette.
    — Tu peux te reposer maintenant, fainéante !
    Une Polonaise chante.
    — Pendant iv toute la journée, personne n’a pu approcher de Lucette. La « boiteuse » montait la garde. Le soir, un vieux sous-officier qui nous escortait pour le retour au camp a ordonné à deux déportées, des Russes je pense, de charger Lucette sur la bicyclette qui ne le quittait jamais. Elles l’ont assise à califourchon sur la selle, la poitrine calée sur le guidon. En arrivant au camp elle respirait encore. Elle a dû mourir dans la nuit, au revier v . Lucette avait vingt ans. Elle était née à Cannes. Ce fut la dernière morte du kommando ; huit jours plus tard nous étions ramenées à Ravensbrück.

I
AVANT-PROPOS
    — Adieu ! J’ai de la chance. J’ai été désignée pour un kommando extérieur.
    — Lequel ?
    — Je ne sais pas. On nous a dit que nous irions vers l’est, travailler dans une fabrique de biscuits.
    — Des biscuits ! C’est une blague ?
    — Pas du tout. Réfléchis. Cela n’a rien d’étonnant. Les soldats au front ont l’habitude de manger des biscuits. C’est même la base de leur alimentation. Il existe donc en Allemagne des usines de gâteaux secs et nous sommes bien placées pour savoir que partout, toutes les usines manquent de main-d’œuvre. Alors !…
    Combien de femmes de Ravensbrück, en cette nuit qui précède le départ, rêvent de convois de camions chargés d’œufs, de beurre, de lait, de farine, de gigantesques pétrins où mûrit la pâte, des chaudrons, de plaques huilées, de fours au feu de bois, de chaînes où défilent, en rangs serrés, des millions de petits carrés ronds, losanges, rectangles qu’il faut marier en paquets argentés.
    Deux ou trois jours plus tard, elles découvrent que la biscuiterie est, en réalité, une usine de munitions.
    Kommandos.
    Peut-être que les « anciennes » qui affirment : « Tous les kommandos sont mauvais », ont raison.
    — Pourquoi « mauvais » ?
    — Oh ! tout simplement parce que vous ne savez pas ce que vous
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